Classique – Dico Livres https://www.dico-livres.com Guide de lecture Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.0.8 https://www.dico-livres.com/10926-2 https://www.dico-livres.com/10926-2#respond Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 http://www.dico-livres.com/10926-2Lire la suite­­]]>

Marie Darrieussecq, dont le roman Notre vie dans les forêts sort ce mois-ci (lire ci-contre), est aussi au programme de la riche rentrée des poches, avec Etre ici est une splendeur, son bel essai biographique sur la peintre Paula Modersohn-Becker, à paraître chez Folio où on lira par ailleurs Patrick Lapeyre (La Splendeur dans l’herbe) et Laurence Cossé (La Grande Arche). Chez Points, on trouvera le livre choc de la rentrée dernière, le saisissant Laëtitia, d’Ivan Jablonka, et L’Histoire du lion Personne, de Stéphane Audeguy. Au Livre de poche, Gaël Faye (Petit pays), Simon Liberati (California Girls) et Sylvie Germain (A la table des hommes) tiennent la vedette. Un rôle dévolu chez Babel à Mathias Enard (Boussole) et chez J’ai lu à Lionel Duroy (L’Absente). — Na.C.

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L’Art de perdrehttps://www.dico-livres.com/lart-de-perdre https://www.dico-livres.com/lart-de-perdre#respond Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 http://www.dico-livres.com/lart-de-perdreLire la suite­­]]> L’Art de perdre

« Ce qu’on ne transmet pas, ça se perd, c’est tout. Tu viens d’ici mais ce n’est pas chez toi », rétorque à Naïma un artiste algérien. Née dans une famille harkie, la jeune galeriste ignore tout de l’Algérie et de l’enfance de ce père, débarqué à Marseille en 1962. Elle est juste venue récupérer les dessins d’un chantre de l’Indépendance. Et un peu d’elle-même, forcément, de ce passé kidnappé par ces grand-père et père qui ont préféré tout oublier. Dès les années 1950, l’Algérie massacra trop de ses fils au service de la France colonisatrice. Qui abandonna d’ailleurs sans remords ses « collaborateurs » : à leur arrivée, le gouvernement gaulliste parqua dans de misérables baraquements la minorité de harkis qui avait pu échapper aux représailles du FLN.

Avec un sens très pictural des situations fortes, des rencontres et affrontements poignants — elle a aussi pratiqué le théâtre —, Alice Zeniter raconte courageusement la tragédie de ces ­sacrifiés de l’Histoire. Sans préjugés ni certitudes ; avec exactitude et romanesque. Elle est elle-même petite-fille de harkis. Sa saga aux allures de dérisoire et sinistre épopée brasse le destin de la famille Zekkar, de 1930 à aujourd’hui, et celui d’une Algérie qu’on n’en finit pas de rejeter de ce côté-ci de la Méditerranée. Sait-elle trop notre irresponsabilité nationale et nos xénophobies ordinaires ? Dans Jusque dans nos bras (2010), Alice Zeniter s’élevait déjà contre les racismes. Et les histoi­res des peuples n’intimident pas cette normalienne engagée de 31 ans : Sombre dimanche (2013) contait de ­sinistres existences hongroises avant et après le communisme. L’Art de perdre, son cinquième livre et le plus puissant, le plus sensible et rayonnant, est un aboutissement — parce que d’inspiration autobiographique ?

Ici, c’est la culpabilité mortifère de toute une communauté bannie des siens, et le silence de la honte, de la peur où elle se réfugie, qu’Alice Zeniter met en scène. Pour se libérer du fardeau qui pèse sournoisement sur elle, sur eux, Naïma enquête sur cette parentèle dont le roman croise habilement les parcours. Le patriarche, le fils, la petite-fille : trois personnages, trois époques, trois pans d’Histoire et de culture arabe et française, trois manières d’être au monde. Et de revendiquer, aussi, son statut d’homme ou de femme… A condition de savoir accepter ses fantômes et de se délivrer du jugement des hommes, à condition de renoncer à la haine et ainsi s’alléger — tolérer de « perdre » sans oublier. Zeniter décrit en cinq cents pages, tout ensemble violentes et mélancoliques, la progressive réconciliation avec soi. « Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître », écrivait joyeusement la poétesse américaine Elizabeth ­Bishop (1911-1979). Elle a ­offert son titre à ce beau livre en mouvement, qui ne s’achève pas vraiment. Conscience à l’affût, Alice Zeniter refuse pensées toutes faites et conclusions faciles. — Fabienne Pascaud

 

Ed. Flammarion, 512 p., 22 €.

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Neverlandhttps://www.dico-livres.com/neverland https://www.dico-livres.com/neverland#respond Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 http://www.dico-livres.com/neverlandLire la suite­­]]> Neverland

Il semble sorti d’un conte, ce récit de voyage hautement sensible vers les territoires abandonnés de l’enfance. Il en a le ton, les accessoires, les décors. « Je suis parti un matin d’hiver en chasse de l’enfance. Je ne l’ai dit à personne. J’avais décidé de la capturer entière et vivante. » L’auteur, Timothée de Fombelle, un phare de la littérature jeunesse, se met en scène, dans ce premier livre pour adultes, de manière allégorique, en route sur les chemins de Neverland, hommage explicite au père de Peter Pan, J.M. Barrie. Des fragments de mémoire surgissent, des souvenirs de cabanes dans les arbres, « l’odeur de sous-bois du salon », images vibrantes du paradis perdu d’une enfance com­me un été sans fin, dans la maison des grands-parents. Mystérieuse aventure dont l’objet ne consiste pas seulement à retrouver tel ou tel trésor caché dans les plis du temps, mais plutôt, pour l’adulte-narrateur, profitant d’un de ces passages secrets qui enchantent les contes, de se retrouver physiquement face à l’enfant qu’il fut, sous sa fenêtre ou d’une rive à l’autre d’un torrent. On perçoit dans ce récit les échos du Livre de Perle, un des derniers romans jeunesse de l’auteur, cette manière poéti­que de remonter aux sources de son imaginaire, très loin, quand tout se lie et se tisse. L’homme qu’il est devenu, en partie « inventé » par les histoires qu’il se racontait jadis, se livre ainsi ­intimement, avec une pudeur extrême. Et l’on reste bouleversé par cette scène au coeur du livre quand son grand-père l’avait appelé, un jour d’été, pour lui demander d’écrire à sa place quelques lignes pour les 80 ans de son plus vieil ami : le grand-père immortel, soudain si fragile, et le petit-fils, confusément conscient que l’enfance vient brusquement de le quitter. — Michel Abescat

 

Ed. L’Iconoclaste, 120 p., 16 € (en librairies le 30 août).

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Notre vie dans les forêtshttps://www.dico-livres.com/notre-vie-dans-les-forets https://www.dico-livres.com/notre-vie-dans-les-forets#respond Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 http://www.dico-livres.com/notre-vie-dans-les-foretsLire la suite­­]]> Notre vie dans les forêts

Dans Truismes, le roman qui, en 1996, inaugura son oeuvre, Marie Darrieussecq abordait le thème de la mutation, accompagnant la lente métamorpho­se de sa narratrice en truie. Notre vie dans les forêts, dystopie inquiétante et remar­quable où le tragique se mêle à l’ironie, reprend, vingt ans après, ce sujet familier, cette fois dans un monde surveillé par les drones et les robots. L’héroïne, Viviane, décrit à la première personne son histoire et celle de la société où, hier encore, elle pratiquait la psychothérapie par le biais de la ­médecine du travail. Dans ce « monde à l’envers », une partie de la population a droit à sa « moitié », à savoir un clone qui sert de « réservoir de pièces détachées », garantie d’une vie de très longue durée. La moitié de Viviane s’appelle donc ­Marie, parfait sosie allongé dans un centre de repos, telle une Belle au bois dormant organique.

Mais lorsque s’ouvre la fiction, ­Viviane, Marie et des centaines d’autres ont fui dans les forêts pour retrouver un semblant de liberté sauvage, loin des connexions et des ­technologies extrêmes. Certes, les ­références à 1984, Fahrenheit 451 ou Soleil vert essaiment, tout au long de cette fiction bouillonnante, qui mêle trafic d’organes, obsession de l’éternelle jeunesse et totalitarisme. Subtilement, brillamment, Marie Darrieussecq ajoute ses pro­pres grains de sable, aidée en cela par ­Viviane, personnage en perpétuel retard sur les événements, incapable de nouer tous les fils, perdue, naïve et délicieusement blagueuse. Dans cet univers ­désagrégé, Viviane n’est pas la plus maligne, mais elle sait écouter — elle ne fut pas psychothérapeute pour rien —, suivre son instinct et jouer les détectives à la manière d’un épisode du Club des cinq… chez les hybrides.

A côté de la critique sociale et du propos politique, plus en profondeur, la solitude s’impose comme le thème essentiel de Notre vie dans les forêts. Avançant lentement vers le froid et la mort, Viviane sait qu’elle doit continuer à écrire son expérience, tenir son stylo jusqu’au bout et laisser un ­témoignage. Autour d’elle, les humains ne sauveront pas le monde — ils n’en ont même pas l’intention… — Christine Ferniot

 

Ed. P.O.L, 190 p., 16 €.

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Souvenirs de la marée bassehttps://www.dico-livres.com/souvenirs-de-la-maree-basse https://www.dico-livres.com/souvenirs-de-la-maree-basse#respond Tue, 15 Aug 2017 22:00:00 +0000 http://www.dico-livres.com/souvenirs-de-la-maree-basseLire la suite­­]]> Souvenirs de la marée basse

Dans Comment supporter sa liberté (1998) — un ouvrage relevant tant de l’essai philosophique que de la prose intimiste et qui, avec La Vie réelle des petites filles (1995), Souffrir (2003) ou L’Esprit de conversation (2011), par­ticipe de son « autobiographie indirecte » —, Chantal Thomas note ce fait : s’il lui est impossible, comme à quiconque, de se rappeler le moment lointain où elle a su marcher, « du jour où j’ai su nager, pourtant presque aussi éloigné que le premier, il me semble que je garde non un souvenir racontable, mais une trace vive, dont le réveil fait de chaque bain un émerveillement : je flotte et les profondeurs bleutées que je mesure du regard non seulement ne signifient pas ma perdition, mais plus elles s’accroissent, mieux elles me portent… ». Vingt ans plus tard, le présent Souvenirs de la marée basse s’ouvre sur une autre baignade — fondatrice, elle aussi, à sa façon. Le tableau est intrigant, délicieux, inoubliable. On y voit une toute jeune fille à la mince silhouette garçonne crawler élégamment dans les eaux troubles du Grand Canal des jardins de Versailles. C’est un matin de juillet, la nageuse est arrivée à bicy-clette, et elle ne repartira que lors-qu’un vieux jardinier se sera aperçu de sa présence incongrue dans le royal bassin. Eugénie, la grand-mère de Chantal Thomas, ne se lassait pas de raconter ce bain fantasque auquel s’adonna un jour sa fille Jackie, alors adolescente. Jackie que la passion — ou doit-on dire plutôt la vocation ? — de la nage ne quitta jamais ; et qui, s’immergeant tout au long d’un été dans les eaux bleues d’un lac de montagne, alors qu’elle était enceinte de sa fille Chantal, lui transmit peut-être in utero cette inclination aquatique — l’ineffaçable « charme des musiques et des douceurs mêlées des eaux de ma mère et du lac », proclame Chantal Thomas.

La figure de Jackie, qui ne semblait vivre que pour répéter chaque jour sans fin le geste délié du nageur, aligner les longueurs, sentir le « délice de l’eau contre sa peau », répondre à l’appel du large, vivre le bain comme une cérémonie quasi religieuse, est au coeur du roman familial de Chantal Thomas — ses grands-parents et son père y sont d’admirables seconds rôles. Jeune femme étouffant dans un rôle d’épouse et de mère qui la leste et l’entrave, l’insaisissable Jackie est une énigme pour l’enfant qui grandit à ses côtés — un mystère, une douleur feutrée, un chagrin tangible mais sans pesanteur. Les silences de Jackie tiennent sa fille à distance ; la plage et le goût des bains de mer les réunissent. « Ma mère est une enfant à part », écrit Chantal Thomas, tandis qu’elle sème au fil de ses pages les discrets et poignants indices de la mélancolie maternelle, tout en déroulant au présent, au fil de courts chapitres qui sont comme des instantanés de sensations pures, l’étincelant et limpide roman de formation d’une fillette qui grandit au bord de l’Atlantique et y fait ses apprentissages.

Une enfant des années 1950, dont le sable d’Arcachon et l’océan sont tout à la fois des terrains de jeu et l’école d’un vrai savoir, non académique, sensuel, intuitif, souverain. Celui qui découle de longues journées passées à jouir en liberté de l’espace immense de la plage, à écrire sur le sable d’inaugurales fables. Celui qui s’acquiert au gré des immersions dans la mer et des mouvements répétés de la brasse ou du crawl, le « savoir de l’eau qui, de bain en bain, ou seulement à la contempler — ou même sans la voir lorsque au détour d’une allée une bouffée d’air salin nous caresse les joues — grandit en nous ». Comme une initiation à « cette autre manière d’exister, dans l’abandon, la déprise », un acquiescement à la sensation de perdre pied, une « jubilation en mode nageur ». Un apprentissage de la volupté, de la durée infinie et de la valeur de l’instant — des notions qui ne sont pas sans évoquer quelque chose de l’esprit du xviiie siècle, profondément réfractaire et jouisseur, à l’étude duquel Chantal Thomas allait plus tard se consacrer, via notamment la figure du feu follet Casanova, libertin en « quête d’une harmonie entre art de jouir et art de vivre ».

Aux plages atlantiques succéderont, pour Chantal Thomas comme pour Jackie, celles de Menton et de Nice. Et lorsque le rapprochement entre la mère et la fille finira par se faire, ce sera sur ces « autres rivages » — titre de la seconde partie de ces Souvenirs de la marée basse, que l’auteure emprunte à Nabokov et à ses merveilleuses réminiscences d’une enfance certes vécue en grande partie en exil, mais qui n’en reste pas moins, notait-il, un « véritable Eden de sensations visuelles et tactiles ». C’est bien de cet éden que nous écrit aujourd’hui Chantal Thomas, dont, par-delà les décennies, les sensations sont demeurées intactes, et elle sait les dire avec une grâce véritable. « Où c’est le plus beau, c’est là où j’habite », revendique-t-elle — dans ce paradis, il est aussi une place pour qui la lit. — Nathalie Crom

 

Souvenirs de la marée basse

Ed. du Seuil, coll. Fiction & Cie, 218 p., 18 €.

Extrait

« Ma mère n’entre pas dans l’eau comme les coquettes qui ont peur de mouiller leur indéfrisable, ni comme les mijaurées qui poussent de petits cris et jouent les intéressantes (« Allez, courage Madame ! Dès qu’on nage, elle est bonne »). Elle s’avance jusqu’à la hauteur de la taille, marque un léger arrêt, se lance. A la fin, mêmes rectitude et économie de geste. Elle se renverse pour quelques mètres de dos crawlé et regagne la plage. En fait, il est rare que je voie ma mère sortir de l’eau. Je la découvre, une fois qu’elle a parcouru la distance qu’elle s’était fixée, revenant à pied le long de la mer. Elle a un air de satisfaction, de repos (alors qu’elle vient de produire un réel effort physique). Elle marche vers moi, vers ma serviette de bain étalée, mon sac où le vent fait entrer du sable […]. Son visage, son corps ont quelque chose de rayonnant. Elle regarde en direction de la mer. Ma mère ne se repose pas, ne se pose sur rien — sauf sur la mer. »

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