Vois comme ton ombre s’allonge

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Vois comme ton ombre s’allonge

« Intensification des états hallucinatoires… désagrégation de la réalité… ­dépersonnalisation… » Un cas de schizophrénie subite peut-être… Le dia­gnostic flotte encore, mais Silvano Landi s’est perdu dans un outre-monde dont nul n’a la clé. Avant d’être interné, Landi était un écrivain en panne d’histoires ; depuis, il dessine à l’infini un arbre (décharné) et une station-service (au milieu de nulle part). A quoi cela renvoie-t-il ? Et comment, du présent, bascule-t-il dans un passé lointain, quand son grand-père envoyait, depuis les tranchées de la Grande Guerre, de magnifiques lettres d’amour à sa femme, puis, paniqué, face à la mort imminente, osa l’impardonnable ? Gipi ouvre des pistes (la froideur de la fille de Landi, sa rupture brutale avec son épouse), emprunte des chemins de traverse (superbe séquence sur les larmes qui, au fil des millénaires, ont sculpté le visage humain). Le dessinateur italien fait disjoncter son récit – et son héros – d’une époque à l’autre, qu’il glisse l’une sur l’autre avec la même audacieuse virtuosité qu’il montre, une fois de plus, en mêlant le croquis jeté en noir et blanc et l’aquarelle la plus subtile.

Dans un étourdissant exercice narratif sur un état limite, l’inexplicable malaise se propage en échos obsessionnels vers une fin splendide, ouverte à toutes les interprétations. Gipi rassemble les fragments d’une mémoire désintégrée, où personne, et surtout pas lui, ne se hasarderait à distinguer le vrai du faux, la réalité de l’imaginaire. C’est la dimension captivante d’une histoire qui n’en est pas vraiment une, mais qui dévoile comme jamais les ressorts cachés d’une des œuvres les plus intensément personnelles de la bande dessinée d’aujourd’hui.

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