Viva

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Viva

Trotski, dans son fauteuil en rotin de la maison bleue de Frida Kahlo, chancelant entre l’amour de sa femme, ­Natalia, et les seins de son hôtesse ; ­Malcolm Lowry, perdu entre sa femme Jan et les vertiges alcoolisés qu’offre la première cantina : deux hommes dans la ville, « la misma ciudad ». Trotski, ce grand voyageur, parfois volontaire et guerrier quand il sillonnait la Russie dans son train blindé frappé de l’étoile rouge, plus tard pourchassé par les nettoyeurs staliniens, vint, après Paris, la Norvège ou Istanbul, se terrer en 1937 au Mexique, terre des exilés et des proscrits. Lowry, lui, l’âme dévorée par le mescal, s’abîme sous le volcan. Ils ne sont pas les seuls à avoir posé leurs rêves et leurs valises sur cette terre américaine, sorte de purgatoire ensoleillé où, comme d’autres, ils attendent la mort, celle qu’ils se choisissent ou celle qu’on leur promet.

Patrick Deville, dans ce roman-récit magnifique, est un voyageur qui, avec une nonchalance érudite, piste ses personnages, joignant les lieux et les lectures pour exhumer une procession fantomatique. Malcolm Lowry et Trotski, il y songeait depuis longtemps, quand il en parlait à Maurice Nadeau, l’éditeur de Lowry, le regardant dans les yeux et se souvenant de cette phrase de Roland Barthes : « Les yeux qui ont vu les yeux… » Les ombres célèbres dont Deville suit les contours, il ne les romance pas mais en dessine les parcours : Arthur Cravan, B. Traven, Tina Modotti, Antonin Artaud, André Breton, Victor Serge, Pierre Naville, ­Alfred Rosmer sortent du brouillard, écrivent et mettent leurs pas dans ceux qui les précèdent. Dans cette dense, envoûtante et sinueuse pelote voyageuse, Deville se souvient alors de ceux qui se sont souvenus : Trotski de ­Tolstoï et de Mandelstam, Lowry de Melville, de Byron et de Mary Shelley. Tous plus ou moins apôtres les uns des autres, « band of brothers » qui se fréquentent et s’inspirent.

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