Sophie Stark n’est pas une fille sympathique et ne cherche pas à l’être, trop obsédée par son désir de faire des « films intéressants ». Sophie n’est pas jolie non plus, maigre et musclée, avec des petits doigts rougis. Pourtant, elle fascine ceux qui l’approchent car elle possède le don de « déranger, d’enchanter, de captiver », précise Benjamin Martin, le critique de cinéma qui suivra la réalisatrice tout au long de sa carrière. Maladroite à ses débuts, Sophie Stark n’a pourtant eu aucune hésitation le jour où elle a découvert la caméra. Elle veut dès alors réaliser une oeuvre « parfaite », et rien ne peut l’arrêter. Grande manipulatrice, elle ressemble aussi à une enfant incomprise, lorsqu’elle dit à George, son producteur : « Je pensais qu’en réalisant des films, je ressemblerais plus aux autres… Mais parfois, j’ai l’impression que ça me fait ressembler encore plus à ce que je suis. »
Plusieurs voix tentent de la cerner : Robbie, son frère, Allison, sa principale comédienne et amante, Jacob, son époux, George, producteur à la ramasse… Chacun recolle les morceaux du puzzle, esquisse la silhouette de l’absente, qui ne prend pas la parole. Vie et mort de Sophie Stark n’est pourtant pas une oeuvre chorale, plutôt une enquête sur un personnage obsédant et schizophrène et, plus encore, un roman sur la création. Une interrogation abstraite à laquelle la jeune romancière Anna North parvient à donner de la chair, en approchant son héroïne par le biais de ces témoins aux profils incongrus. Pour eux, pour nous, Sophie Stark est à la fois un monstre et une idole, un génie et un être toxique. Traçant sa route avec conviction, elle entraîne avec elle des individus quelconques pour les réifier — c’est ainsi que Sophie Stark est une artiste… — Christine Ferniot
The Life and Death of Sophie Stark, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch,
éd. Autrement, 380 p., 22 €.
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