Victor Hugo vient de mourir

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Victor Hugo vient de mourir

« Soyez heureux, pensez à moi, aimez-moi. » Tels seraient les derniers mots — un rien égotistes — de l’auteur de La Légende des siècles, ce 22 mai 1885 où il s’éteint, à 83 ans, au 50 de l’avenue parisienne qui depuis longtemps porte déjà son nom. C’était lui, la légende de ce xixe siècle finissant, lui, créateur compulsif au génie protéiforme, artiste engagé non seulement au service de la beauté mais de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. De ces misérables, surtout, qu’il a si bien magnifiés. Ce sont eux, justement, qui voudraient assister aux somptueuses obsèques nationales annoncées pour le 31 mai. Un lundi, pas un dimanche où les ouvriers pourraient suivre le cortège… La République et sa police redoutent en effet émotion et soulèvement populaires ; même si Hugo s’est peu mobilisé pour la défunte Commune de 1871… Partout des indics surveillent l’émoi grandissant de la ville et les réunions d’anarchistes soudain renaissantes. Et les journalistes observent sur place heures et jours durant… Comme Judith Perrignon, cent trente ans plus tard, qui nous décrit sous de multiples angles et à travers nombre de personnages de tous horizons — des hommes exclusivement — cet événement national polyphonique. Presque un opéra qu’elle met en scène avec un art tout hugolien. Longueurs et redondances comprises. Mais quelle passionnante chorégraphie politico-sociale, de l’agonie du vieux mage à son intronisation au Panthéon ! Douze ans plus tard, sur deux tréteaux encore couverts de gerbes en décomposition, on retrouva pourtant bien abandonné le cercueil de plomb qui avait suscité tant de craintes et récupérations politiciennes. Déjà ! Avec une érudition époustouflante, Judith Perrignon profite de la mort théâtralissime du poète pour faire clin d’oeil à toutes les instrumentalisations possibles des grandes émotions collectives, ces cérémonies médiatiques que Victor le visionnaire annonçait à sa façon. C’est vrai qu’il est toujours là. Victor Hugo vient juste de mourir… — Fabienne Pascaud

 

Ed. L’Iconoclaste, 256 p., 18 €.

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