Vers l’abîme

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Vers l’abîme

Paru en Allemagne en 1931, mais ex­purgé par l’éditeur, brûlé par les nazis en 1933, ce roman de l’écrivain Erich Kästner (1899-1974) paraît en français dans son intégralité. Avant de l’écrire, Erich Kästner avait connu le succès, notamment avec Emile et les détectives (1929). Mais, comme Klaus Mann — à qui on songe à la lecture —, Erich Kästner dresse dans Vers l’abîme un impitoyable constat de l’Allemagne, que ne pouvait tolérer le nouveau régime. Dans ce roman, Jacob Fabian, la trentaine, est employé dans une agence de publicité, dans le Berlin du début des années 1930. Cultivé mais sans ambition, un rien cynique, quoique beaucoup moins qu’il ne le laisse paraître, adepte de jeux potaches avec son ami Latube, Fabian occupe son temps libre à observer ses contemporains et leurs moeurs un peu bizarres qui se déploient la nuit venue dans des cabarets minables. Les histoires d’amour, sincères ou tarifées, les personnages secondaires — la nymphomane madame Moll, un inventeur qui refuse les ravages de la productivité industrielle… — composent une pâte humaine tragique et émouvante. « Traîner » dans Berlin, comme le fait Fabian, c’est être témoin des heurts entre communistes et nationaux-socialistes, constater la décrépitude sociale des millions de chômeurs dont il va bientôt faire partie, et attendre, comme pendant la guerre de 1914, dans « la salle d’attente de l’Europe », qu’une catastrophe se déclare. Et Berlin est prête, à la fois apathique et démente. Dans ce superbe roman, âpre et lucide, le moraliste Fabian ne peut qu’assister au naufrage collectif. — Gilles Heuré

 

Der Gang vor die Hunde, traduit de l’allemand par Corinna Gepner, éd. Anne Carrière, 280 p., 20 €.

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