Une ethnologie de soi. Le temps sans âge
C’est la première fois qu’on l’a appelé « Vieux ! ». C’était en Côte d’Ivoire, et il n’avait pas encore 40 ans. Longue ellipse : plusieurs décennies après, dans le métro, un jeune homme se lève pour lui céder sa place, provoquant sa « consternation furibarde ». Ainsi Marc Augé plonge-t-il dans ses souvenirs personnels pour développer une réflexion, accessible et profonde, sur le temps qui passe. Né en 1935, l’ethnologue fut d’abord spécialiste de l’Afrique occidentale, avant de se faire anthropologue du monde contemporain – il a écrit sur le métro, le vélo, les châteaux et les « non-lieux », son concept le plus connu. Le prolifique Marc Augé a finalement décidé de devenir l’ethnologue de sa propre vie. Mettant en question idées reçues et prétendues vertus, il prend à bras-le-corps la vieillesse, censée être une source de savoir et de sagesse : « Pour se rendre compte que la vieillesse n’existe pas, il suffit d’y parvenir »… Aiguillonné par La Force de l’âge, de Simone de Beauvoir, L’Age d’homme, de Michel Leiris, De la vieillesse, de Cicéron, ou Rêveries du promeneur solitaire, de Jean-Jacques Rousseau, Marc Augé s’attache à différencier le temps et l’âge. Pour lui, c’est le premier qui importe bien plus que le second. L’auteur va même au-delà : notre rapport au temps, c’est-à-dire à ce que nous avons « au fond de plus personnel », entre souvent en conflit avec l’âge, cette estampille sociale qui nous définit, nous régule et nous réduit. « Etais-je vraiment devenu "majeur" à l’âge de 21 ans ? » se demande ainsi rétrospectivement Augé. Plus largement, il pose une question fascinante : comment éprouver une expérience du temps qui ne se confonde pas avec celle de l’âge ? Tel un bon armagnac, un livre « hors d’âge ».
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