Un saint homme

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Un saint homme

Le saint homme du titre n’est pas Jean-Luc Godard. Anne Wiazemsky n’a pas ajouté un troisième volet à son émouvant diptyque sur sa vie commune avec le cinéaste. Elle tourne aujourd’hui la page avec un opuscule tout en pudeur et délicatesse, autour de l’aumônier de son adolescence à Caracas, le père Deau. Egalement son professeur de français au collège, et donc premier témoin enchanté de ses tentatives d’écriture, le prêtre vient rejoindre les figures tutélaires dont l’oeuvre entière d’Anne Wiazemsky cherche à retrouver la lumière. Son père, sa mère, son grand-père, Bresson, Godard sont les diodes les plus voyantes de ses livres d’exploration intime, mais il y a toujours dans ses pages des étoiles plus lointaines au scintillement plus diffus, qui gagnent à être observées. Le père Deau fait partie de ces intermittents du théâtre intime d’Anne Wiazemsky, qui n’ont cessé de lui injecter, sans le savoir, les doses nécessaires à sa survie. La force de cet ouvrage d’hommage vient de son respect des jeux de focale du destin. Puisque le père Deau a passé son existence à disparaître puis ressurgir dans la vie de la romancière, puisqu’il a toujours été présent pour mieux s’absenter ensuite, le livre clignote de la même manière, s’approche et s’éloigne du pôle magnétique que constitua cet homme dans son biotope. Anne Wiazemsky alterne donc les récits de retrouvailles, joyeuses, inconditionnelles, élévatrices, et les évocations de sa vie personnelle, qui continua vaille que vaille dans des entre-deux souvent houleux et douloureux.

Peu portée sur la religion, peu réceptive aux tentatives d’apprivoisement spirituel du père Deau, la brebis égarée s’intéresse avant tout à l’humanité de son berger. Ce qui la captive chez cet homme d’Eglise, c’est plus l’homme que l’Eglise. Son art d’être là au bon moment, de la soutenir dans son travail, de respecter les soubresauts de sa vie privée, de la cerner jusqu’au fond de son âme. Cela s’appelle l’amour, et Anne Wiazemsky restitue à merveille le mystère de cet attachement qui a porté ces deux êtres vers ce qu’ils pouvaient donner de meilleur. Aérienne et sûre, elle marche en funambule sur ce lien invisible qu’ils ont su tisser, même à distance, même sans s’être vus pendant vingt-cinq ans. — Marine Landrot

 

Ed. Gallimard, 120 p., 14,50 €.

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