Un peu la guerre (La Vie poétique III)

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Un peu la guerre (La Vie poétique III)

Jean Rouaud chemine dans ses itinéraires, familial, politique et littéraire, sainte trinité qui s’entremêle et compose un tableau à la fois intime et lucide des années 1970 – lui est né en 1952. Le voici donc, dans ce troisième volet (1) de sa « vie poétique », sur une ligne de crête : natif de la « Loire-Inférieure » rurale et catholique, fils de petits commerçants, il doit affronter une époque dite moderne, où le prolétariat sonne mieux dans la rhétorique révolutionnaire que la paysannerie et où l’on clame la mort du roman, l’obso­lescence du style et la disparition des personnages. Se souvenir de tout cela, replonger dans les méandres de la mémoire est une aventure littéraire : Rouaud dresse le « relevé topographi­que » de son chemin d’écriture, se fait « arpenteur » dans les « blancs », ces périodes un peu vides, apparemment oubliées, qui resurgissent sans prévenir et sollicitent l’écriture.

« Si le planisphère n’a plus de secrets […], le passé est une tache blanche qui n’en finit pas de s’agrandir », écrit-il. C’est dit : « la nouvelle frontière, c’est le temps », et il revient aux phrases d’en redessiner les circonvolutions. Ou les traumatismes des guerres : celle de 1914 des grands-parents, celle de 1940 des parents et celle d’Algérie, insidieuse à force de ne pas dire son nom. Dans son voyage, l’auteur convoque Montaigne, le toujours fidèle, Aragon, Vassili Grossman ou Jeremiah Johnson, le personnage éponyme du film de Sydney Pollack, aventurier qui se perd dans les espaces et se joue des frontières. Et que dire de Jérôme Lindon, dont le bureau est habité par le portrait de Samuel Beckett. Un éditeur qui ne promet rien, argumente, discute, écoute, et finalement publiera en 1990 Les Champs d’honneur du jeune vendeur de journaux. Une figure qui resurgit dans ce beau texte d’un écrivain qu’on écoute autant qu’on le lit.

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