Un membre permanent de la famille

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Un membre permanent de la famille

Interrogé sur son viatique, le dessein guidant sa phrase et ses récits, Raymond Carver répondait, citant Flaubert : « L'artiste doit être, dans son travail, comme Dieu dans sa création : invisible et tout-puissant. On doit le sentir partout mais on ne doit le voir nulle part (1) . » Sans doute Russell Banks pourrait-il reprendre à son compte le commandement de l'auteur de Madame Bovary : dans ses romans, cette maîtrise extrême est évidente ; dans ses nouvelles, elle est peut-être plus éclatante encore. En témoigne ce recueil admirable – le quatrième de sa bibliographie et le premier depuis L'Ange sur le toit (2000) –, dont les douze récits sont autant d'invitations à mesurer combien est grand l'art de l'écrivain, culminant dans sa capacité à se faire oublier, pour donner à celui qui le lit le sentiment d'être plongé dans la vie même, au plus près des émotions, des désarrois, des rêves et des impuissances de ses personnages.

De quoi est-il question, dans ces instantanés de vie comme captés en direct, avec une empathie et une pénétration qui défient la science psychologique ? De l'humain, sans masque, presque sans peau, les nerfs et le cœur à vif – l'humain vulnérable et blessé. D'hommes et de femmes immergés dans ce banal métier de vivre dont nul ne connaît les règles, nul n'appréhende l'âpreté avant de s'y trouver confronté, et nul ne sort indemne. Rien de tragique pourtant : dans le décor trivial d'une Amérique très middle class, des couples qui se séparent, des enfants qui s'éloignent, des attachements qu'on croyait acquis et qui s'étiolent, des maladresses, des rancunes, des négligences, des occasions manquées… Des solitudes qui se frôlent et jamais ne se consolent.

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