Trop de bonheur

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Trop de bonheur

Depuis son premier livre, La Danse des ombres heureuses, paru en 1968, la Canadienne Alice Munro (née en 1931) est demeurée fidèle à la nouvelle. Brèves histoires de vérités cachées, de fuites improbables ou de capitulations. Elle accompagne des femmes apparemment ordinaires, les regarde vivre, avec leurs contradictions et leur solitude infinie. Dans ce nouveau recueil, Trop de bonheur, Alice Munro évoque aussi des rendez-vous inattendus, des gestes incongrus qui bouleversent une vie. On y croise Doree, femme de chambre encore jeune, qui a choisi ce métier pour ne plus avoir à parler aux autres. Dans une vie précédente, Doree a été mariée, mère de trois enfants, mais un soir, pour échapper aux critiques de plus en plus violentes de son époux, elle a quitté la maison pour se réfugier chez une voisine. A son retour, le mari avait tué les trois enfants. Destin, soumission, folie, les mots tournoient dans la tête de cette femme, qui ne peut se raccrocher à rien. Quand d’autres écrivains s’arrêteraient à la douleur, Alice Munro prend un chemin opposé, reconsidère la réalité de Doree, le temps d’un voyage en autocar.

Le bonheur apparent d’un vieux couple, l’amour d’une mère pour son fils, l’amitié de deux fillettes qui voudraient se ressembler, tout n’est qu’apparence ou emballage. Derrière la vitre bien propre du quotidien, l’auteure distingue le mensonge, l’humiliation, la malice du destin. Dans Radicaux libres, un cinglé pousse la porte d’une veuve malade et indifférente. Il veut prendre sa voiture ? Elle lui donne les clés. L’homme est inquiétant, elle lui propose une tisane. Soudain, là voilà qui parle trop, se raconte, et c’est un autre abîme qui s’ouvre, des passés de meurtriers qu’on pose sur la table de la cuisine comme une assiette de biscuits. Alice Munro commence ses nouvelles à la périphérie, embrassant d’un regard une situation. Puis, tel un prédateur, elle s’approche, pénètre les esprits, trouve le secret enfoui. Contrairement à ce qu’annonce le titre de son recueil, ses héroïnes ne croient plus au bonheur, elles voudraient juste un peu de cet amour qui leur est refusé depuis l’enfance. Les années passent, restent les non-dits, l’illusion de l’oubli, et cette façon qu’elles ont toutes de prendre leur mal en patience.

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