Dans Le Club des incorrigibles optimistes (prix Goncourt des lycéens 2009), Michel, le héros amateur de rock et de baby-foot, entamait son apprentissage au Balto, en écoutant les adultes refaire le monde entre la fête de l'Huma et les déflagrations de la guerre d'Algérie. Ça sentait l'arrière-salle enfumée, la France de la reconstruction et la nostalgie du roman populaire. Voyageant du côté de New Delhi, de Londres et de l'Irak, Trompe-la-mort penche plutôt vers l'épopée contemporaine, avec sur le devant de la scène un personnage balzacien, un Vautrin incassable, qui survit à tout : une chute vertigineuse, un incendie, un accident d'hélicoptère et bon nombre de bagarres le laissant quelque peu cabossé…
Tom Larch, mi-anglais, mi-indien, passe sa vie à cloche-pied. Il aime sa mère et déteste son père, quitte l'Inde qu'il adore pour l'Angleterre qu'il vomit, s'engage dans les Royal Marines et devient un héros sans le vouloir, une star des médias malgré lui. Mais toutes ces blessures forgent un personnage idéal, entre Bruce Willis pour les cicatrices et Tom Cruise pour le côté crâneur. Jean-Michel Guenassia prend un plaisir évident à plonger le soldat Larch dans des situations impossibles. Il écrit comme un gourmand qui veut régaler son lecteur avec de la belle aventure, du sentiment et de la mélancolie. On entend les bruissements de Delhi, la pluie sur Greenwich Village, les rafales de sable dans le désert, et si l'auteur avance parfois à la serpe, et préfère la vraisemblance à la vérité, qu'importe, on lui pardonne tout, car le plaisir est au coin de la page suivante. Renouant avec le feuilleton à la Dumas, Jean-Michel Guenassia (né en 1950) est un grand baroudeur de la fiction, qui cite La Fontaine et Mark Knopfler. Un homme de goût.
Commandez le livre Trompe-la-mort