Exercice de style rhétorique sur les grandeurs et misères de l’écriture et la vie tourmentée, apocalyptique de romancier ? Roman à tiroirs et illusions, attrapes et chausse-trapes littéraires à la manière d’un Raymond Roussel, d’un Arno Schmidt ou d’un Jorge Luis Borges ? Le dernier opus d’Eric Fottorino est tout à la fois. Dissertation et jeu verbal, blague de potache et évocation historique érudite. Tout part de cet écrivain besogneux et obsessionnel, vieillard autocrate et ombrageux au pseudonyme envahissant et prétentieux : Norman Jail ! L’homme solitaire et reclus en Bretagne n’a en fait écrit qu’un livre à succès à 20 ans, peu avant la guerre, malheureusement encensé par les journalistes d’extrême droite et dont le titre devait se révéler prémonitoire : Qui se souviendra de nous ? Pas grand monde en fait. Sauf cette mystérieuse et taciturne Clara, étudiante en lettres de 23 ans et qui trois jours durant vient interviewer l’ermite pour un mémoire, et lui soutirer quelques secrets d’écriture. Et peut-être d’autres secrets encore… Mais tout cela est-il vrai ? Le manipulateur Norman Jail est-il écrivain ou magicien, homme de lettres ou de sorcellerie ? Que cache donc sa passion pour les mots et quel crime recouvre-t-il de son déluge ininterrompu de phrases tantôt scolaires, tantôt délirantes sur l’art d’écrire ?
On ferme, médusé, l’étrange ouvrage d’Eric Fottorino. Pas sûr de savoir qui est qui. Pris au piège des vertiges romanesques et verbaux. Mais séduit par l’allégresse de l’auteur, sa gourmandise à se jouer des situations impossibles comme s’il s’amusait à lancer des défis, sa vitalité, son énergie, sa joie d’écrire et de lire. C’est cette vitalité-là qui fait surtout le plaisir de Trois Jours avec Normal Jail. — Fabienne Pascaud
Ed. Gallimard, 208 p., 17,50 €.
Commandez le livre Trois Jours avec Norman Jail