Toutes les vagues de l’océan

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Toutes les vagues de l’océan

Glaçante, rapide, la scène initiale donne le ton. En 2001, à quelques kilomètres de Barcelone, un homme et un enfant de 6 ans descendent de voiture, au bord d’un lac. Quelques instants plus tard, le corps du petit garçon flotte à plat ventre, « comme une étoile de mer ». Déjà, dans La Tristesse du samouraï, son beau roman publié en 2012, Víctor Del Arbol séparait un fils, sensiblement du même âge, de sa mère. Elle mourait assassinée, et lui allait passer sa vie à tenter de discerner ce qui s’était passé, sans jamais l’admettre. Toutes les vagues de l’océan est une oeuvre plus ambitieuse encore, déroulant avec aplomb la révolution russe, la guerre civile espagnole, les grandes utopies du xxe siècle, le destin d’une famille déchirée et l’amour. Laura, la mère de l’enfant noyé, est sans doute le coeur du roman, et son suicide n’y changera rien. Autour d’elle gravitent des personnages dignes des grands romans russes : Zinoviev, le tueur ; Gonzalo, le frère, éternel déclassé ; Elias, son père, un géant idéaliste qui a connu le goulag ; Igor, le mal absolu ; Irina, la femme incandescente… Derrière eux, se tient la Matriochka, cette poupée russe mafieuse qui tire les fils du destin.

Víctor Del Arbol est aussi cette Matriochka, magnifique architecte qui tient les pièces du puzzle, place quel­ques scènes d’une grande puissance symbolique, sans jamais oublier la force charnelle. Au fil des six cents pages extrêmement denses, de cette navigation entre le passé et le présent, l’écrivain ne néglige jamais ses personnages, ni son lecteur, qu’il sollicite en permanence, lui demandant de reconstruire avec lui le visage de la passion et de la douleur, l’idéalisme des uns et l’utopie des autres. Ancien policier, historien de formation, Víctor Del Arbol (né en 1968) reste fidèle à l’école du roman noir, tendu et mu­sical. Il dédie ce livre « à mon père et nos murs de silence » — une oeuvre personnelle, donc. — Christine Ferniot

 

Un millón de gotas, traduit de l’espagnol par Claude Bleton Ed. Actes Sud, coll. Actes Noirs 600 p., 23,80 €.

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