Suburra

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Suburra

Sans doute Giancarlo De Cataldo, le juge écrivain italien, a-t-il grossi le trait, se disait-on. Peindre Rome en capitale de la Mafia, faire de la Ville éternelle le coeur de toutes les turpitudes, l’idée était éminemment romanesque pour qui se réclame de Balzac. De là à y voir le reflet de la réalité ! Celle-ci pourtant n’a pas tardé à rattraper la fiction. Fin 2014, quelques mois après la parution de Suburra en Italie, éclatait le scandale « Mafia capitale », mettant au jour un vaste réseau de corruption, éclaboussant des dizaines d’hommes politiques, Rome se découvrant aussi gangrenée qu’un village sicilien. A tel point qu’une polémique s’ensuivit. Giancarlo De Cataldo avait-il joué de ses relations dans les milieux de la justice pour consulter les dossiers et s’en inspirer pour écrire son roman ?

Rien de tout cela. Ce sont des faits divers, patiemment collectés avec la complicité du journaliste d’investigation Carlo Bonini, qui peu à peu ont donné forme au récit. Suburra vient ainsi en écho au fameux Romanzo criminale — livre précédent de Giancarlo De Cataldo, paru en France en 2006 et adapté au cinéma par Michele Placido —, ins­piré de l’affaire de « la bande de Mag­liana », une organisation criminelle proche des néofascistes, qui a sévi à Rome de 1978 à 1992. Cette fois, l’intrigue se situe de nos jours, entre juin et décembre 2011, et s’organise autour d’une opération immobilière où se ­mêlent clans mafieux, politiciens corrompus, fonctionnaires véreux et même un cardinal du Vatican. La lecture en est aussi effrayante que savoureuse, le regard est tranchant, l’ironie, ravageuse. Cataldo et Bonini excellent dans les dialogues, brossent des portraits denses et formidablement vivants. Et démythifient la Mafia. Pas de code d’honneur, de parrains magnifiques ni autres fariboles ici, juste le cynisme, la rapacité, l’argent comme seule valeur qui vaille. A l’image du monde tel qu’il va. Glaçant. — Michel Abescat

 

Traduit de l’italien par Serge Quadruppani, éd. Métailié, 480 p., 23 €.

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