Stupor Mundi

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Stupor Mundi

Italie, début du XIIIe siècle. Contraints à l’exil par de hauts dignitaires religieux, le sulfureux Hannibal Qassim El Battouti, sa fille Houdê et leur serviteur trouvent refuge dans un monastère des Pouilles. Dans cette thébaïde, où gravitent artistes et érudits de tout poil, l’homme de science travaille d’arrache-pied à une invention révolutionnaire : la photographie ! Mais, à une époque où la représentation du divin est éminemment politique, jouer avec les images n’a rien d’anodin et les hommes d’Eglise sont prêts à tout pour faire échouer l’oeuvre du Malin… Critique perçante de l’obscurantisme religieux et des brillants esprits qui, par intérêt ou par principe, s’y prêtent ou laissent faire, Stupor Mundi est également une parabole sur l’aveuglement de la création, l’égoïsme absolu de l’artiste ou du chercheur. Rien n’est plus important pour Hannibal qu’achever son oeuvre, quoi qu’il puisse en coûter à ses proches.

Superposant habilement réalité historique et fiction littéraire, Néjib a eu l’excellente idée de situer ce huis clos médiéval à l’époque de Frédéric II (1194-1250). Cultivé, polyglotte, ouvert au monde non chrétien, l’empereur deux fois excommunié par le pape (!) fut un mécène éclairé, féru de sciences et de découvertes. Son règne, qui passe pour l’une des rares trouées de lumière au Moyen Age classique, apporte au récit une épaisseur et un caution inattendues. Même si tenter de démêler le vrai du faux n’a ici, comme dans Le Nom de la rose, d’Umberto Eco, que peu d’intérêt. Seul compte l’habileté du narrateur et, à ce jeu, Néjib se révèle très doué. Récits croisés, intrigues secondaires, rebondissements, personnages attachants, grand final haletant : le jeune auteur (c’est son deuxième album) maîtrise tout l’attirail du vieux briscard et sait lui insuffler une élégante modernité graphique. Une très belle réussite. — Stéphane Jarno

 

Ed. Gallimard, 284 p., 26 €.

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