Station Eleven

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Station Eleven

Depuis Dernière Nuit à Montréal (2009), la Canadienne Emily St. John Mandel jongle avec les genres littéraires et montre un sens aigu de la construction narrative. Une maîtrise formelle dont l’objectif unique est de mettre en avant le sujet qui l’obsède : l’égarement des individus, la disparition des repères. Station Eleven, son quatrième roman, débute quelques heures avant « la catastrophe ». Ce soir-là, le comédien Arthur Leander, qui interprète Le Roi Lear à l’Elgin Theatre de Toronto, s’écroule sur scène. Il est l’une des premières victimes de la grippe qui va terrasser 99 % des habitants de la planète. Les survivants doivent s’accoutumer à vivre dans un monde post-techno­logique. Bientôt, ils redécouvrent les gestes ancestraux des chasseurs-cueilleurs, conservant comme seuls biens la mémoire du passé et la culture artistique éternelle. De fait, quelque vingt ans après l’épidémie, une troupe théâtrale, La Symphonie itinérante, parcourt des kilomètres pour jouer Shakespeare et Beethoven…

En alternant les époques, Emily St. John Mandel tisse une histoire mélancolique qui n’a rien à voir avec l’apocalypse — pas de visions effrayantes dans ce livre-puzzle. Grâce à la beauté de son écriture, la romancière compose un univers-miroir. Ainsi La Symphonie itinérante n’existe-t-elle que pour refléter la réalité d’hier, recomposer le monde perdu à usage des civilisations futures. Tandis qu’une bande dessinée titrée Station Eleven passe de main en main, évoquant, de manière presque divinatoire, l’avenir de l’homme. Le message de la romancière se niche loin du Jugement dernier ou de la dénonciation des faux prophètes et autres gourous profiteurs ; il est plutôt que, face au deuil, à la désolation, à la solitude, l’art permet de survivre et d’éviter le retour à l’état sauvage. — Christine Ferniot

 

Traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé, éd. Rivages, 480 p., 22 €.

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