Snow Queen

Ajouter un commentaire

Snow Queen

Depuis Les Heures (The Hours, 1998), on sait que Michael Cunningham creuse jusqu’aux racines de la douleur, dégageant strate par strate les sentiments éphémères, le désenchantement, une terrible lucidité envers soi-même qui peut mener à l’égoïsme, au suicide ou à l’indifférence. Snow Queen est de cette veine-là : une musique en mode mineur qui s’insinue et se développe superbement. Barrett et Tyler sont deux frères inséparables, entourant Beth, la fiancée de Tyler, qui se meurt d’un cancer. Barrett se débat avec ses amours impossibles pour des garçons qui ne restent jamais, un avenir plein de promesses qui s’amenuise lentement pour le laisser anéanti et solitaire. Tyler voudrait écrire la plus belle chanson du monde et l’offrir à Beth, mais la certitude de l’échec le ronge. Beth va disparaître, elle le sait, mais elle ne renonce pas. Autour d’eux, des amis, des artistes un peu puérils, et la ville de New York continuent de les surprendre, mais aussi de les protéger.

Peu d’événements, à peine un canevas, et pourtant ce roman magnifique bouleverse le lecteur avec ses instants majestueux et ses moments d’impatience. On rit aussi, dans ce livre qui n’épargne pas les intellectuels et leurs moeurs. Par-dessus tout, Michael Cunningham se révèle le grand romancier de la mélancolie contemporaine. Il décrit des changements d’atmosphère ou d’humeur qui expriment la vie tout entière : une lumière étrange sur Central Park, une odeur de médicament rappelant que la mort est à la porte de la chambre, un désir sensuel pour ce centimètre de peau si fine au creux de l’épaule. Il dit aussi l’envie de mourir et de vivre un instant après, de pleurer en jetant les cendres d’une femme aimée, de s’extasier en regardant Manhattan surgir de la brume. Après tant de secrets inavoués, de choix difficiles, de déceptions et de ­désirs, il nous laisse en compagnie de Tyler et Barrett dans un « brouillard d’évocations » dont nous refuserons longtemps de sortir. Car la journée ne fait que commencer du côté de Knickerbocker Avenue. Elle sera belle ou déchirante. Les deux, sans doute. — Christine Ferniot

 

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Damour, éd. Belfond, 320 p., 20,50 €.

Commandez le livre Snow Queen

Laisser une réponse