S’enfuir

Ajouter un commentaire

S’enfuir

Otage, mode d’emploi… Que se passe-t-il dans la tête d’un homme qui vient d’être kidnappé ? Comment vit-il son enfermement, les relations avec ses ravisseurs, l’attente, le temps qui ne cesse de s’allonger ? Des lueurs d’espoir aux affres du doute, de l’abattement aux rêves de fuite, dans S’enfuir, Guy Delisle retrace pas à pas, jour par jour, l’histoire de Christophe André. Enlevé en Tchétchénie en juillet 1997, cet humanitaire français y a passé cent onze jours en captivité.

Delisle change donc de registre. Cette fois, pas de journal de bord en Birmanie, à Jérusalem ou en Corée du Nord, de ces récits intimes nourris d’anecdotes, de réflexions et de malice qui permettaient de humer l’air de « pays sensibles ». Le dessinateur québécois a quitté son poste d’observation pour raconter l’histoire d’un autre. Une entreprise qui, graphiquement, relève du tour de force, car tenir un récit sur plus de quatre cents pages avec pour tout décor une chambre aveugle, un matelas et un radiateur n’est pas à la portée du premier venu.

Le dessinateur multiplie les angles, joue avec la répétition des cases, oublie (presque) les ellipses et parvient à transmettre la pesanteur du temps, l’infinie longueur d’une captivité dont l’otage ignore le terme et le motif. Ce qui le met un peu plus au supplice. S’enfuir a cependant le défaut de ses qualités : son souci de véracité, la volonté qu’a le dessinateur de rester à tout prix dans les clous du témoignage, de ne pas s’aventurer dans l’affect ou l’imaginaire, confine au documentaire. Et il est difficile, hélas, de s’attacher, d’éprouver de l’empathie pour un personnage qui relève davantage d’une abstraction que d’un être de chair et de sang… — Stéphane Jarno

 

Ed. Dargaud, 432 p., 27,50 €.

Commandez le livre S’enfuir

Laisser une réponse