« Le monde n’est pas peuplé de gens mais d’histoires », note Vincent, à l’écart, depuis vingt ans, sur un îlot perdu de la Patagonie chilienne, « point minuscule dans un entrelacs de fjords et de péninsules glacées ». Et le livre vous embarque vers des ciels plus grands, des espaces immenses, des paysages au souffle incomparable, des mémoires sans âge, complexes, entremêlées, dessinant entre les lieux, les êtres et les choses un « réseau arachnéen » de correspondances, de causalités secrètes, de mystères qui n’en sont peut-être pas. Ces « passerelles invisibles » chères à l’auteur qui s’attache, livre après livre, à déchiffrer la « grammaire du monde » pour nous la restituer.
Quel bonheur que ce roman, une fois encore ! Grand voyageur, grand styliste, Christian Garcin excelle à faire de ces « passerelles » de puissants moteurs de l’imaginaire, entraînant son lecteur dans des zones inusitées de la réalité. Le livre s’organise ainsi sur les traces de Vincent, parti « à l’envers du monde » pour tenter de guérir d’un mal mystérieux qui ronge son âme et bouscule ses rêves. Trouver la paix, se recroqueviller dans une cabane minuscule et, finalement, se fondre dans le paysage infini qui l’entoure. De la Sibérie orientale à la Patagonie chilienne, le livre croise de multiples trajectoires en résonances, celle de Vincent et de son neveu qui le recherche, celle d’un soldat napoléonien prisonnier des Russes en 1812, celle d’une expédition en Terre de Feu à la fin du xixe siècle, celle d’un Américain, « propriétaire de la Lune, de Mars et de Vénus », celle encore d’une médaille qui passe de main en main. Autant d’histoires, d’aventures, de personnages, de registres littéraires, portés par la tendresse d’un regard teinté de mélancolie, piqué d’humour et de fantaisie, qui brossent, page après page, un monde à la magie secrète, irrésistible et fascinant. — Michel Abescat
Ed. Stock 312 p., 19,50 €.
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