Sauve qui peut la vie

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Sauve qui peut la vie

L’exil est un des thèmes, que l’actualité rend particulièrement saillant, autour desquels la socio-anthropologue Nicole Lapierre a construit ce mince et fortifiant ouvrage, dans lequel sa réflexion et son autobiographie se trouvent ouvertement liées — la première ancrée dans la seconde, sans y rester enfermée, sans y tourner en rond, bien au contraire, et l’air circule dans les pages de Sauve qui peut la vie, on y respire même à grandes et vivifiantes bouffées. L’exil, donc, expérience vécue par le père de l’auteure, polonais et juif, qu’elle n’érige pas en destin exemplaire mais dont elle souligne comment il l’a incitée à s’interroger sur « les aventureux des temps modernes » que sont les immigrés d’hier et ceux d’aujourd’hui, sur « les vertus du déplacement et le regard de l’étranger », les liens entre « la condition existentielle d’exilé » et l’esprit critique, la créativité, la capacité de dissidence. Un autre thème grave s’est imposé à Nicole Lapierre : la mort volontaire. « Dans ma famille on se tuait de mère en fille » est la phrase inaugurale de Sauve qui peut la vie — sa soeur, puis sa mère se sont donné la mort, et, méditant sur cette tragique répétition, elle se choisit notamment Jean Améry (l’auteur de Porter la main sur soi. Traité du suicide) et Hannah Arendt pour interlocuteurs. Cherchant non pas à « expliquer, pour tenter de maîtriser ce qui se dérobe », mais plutôt à sonder une fragilité, saisir une fêlure, « bercer un souvenir […] à défaut d’avoir su les prendre dans mes bras », cette mère, cette soeur aimées qu’elle ne veut « surtout pas réduire à leur ultime choix ». De ce mélange de tendresse, d’intelligence, de gravité, naît un livre inclassable et d’une admirable vitalité. — Nathalie Crom

 

Ed. du Seuil, coll. La Librairie du XXIe siècle, 254 p., 17 €.

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