Roulette russe. Journal d’un jeune homme perdu

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Roulette russe. Journal d’un jeune homme perdu

On tient souvent un journal pour tempérer un tant soit peu la haine de soi. Dans le genre, celui de Bayon est un must, quoique déviant : obsession du suicide, angoisse, cafard constant, détestation d’autrui (du père surtout), délectation à se plaindre aussi. « Désastre » est le mot qui revient le plus, c’est dire si c’est gai. Quiconque lisait le Libé de la grande époque connaît le phénomène : Bayon, critique rock au style unique, noir, abrasif, abracadabrant, si crypté qu’il écrivait sans doute pour cent personnes au grand maximum, lesquelles portent encore en elles les traces de ses électrochocs. Bayon a aujourd’hui quitté le quotidien (snif). Et voilà qu’il exhume ce drôle de truc, moins un journal (nulle datation), qu’une suite de fragments, de débris encore coupants, dont l’origine remonte, l’auteur le précise dans son avant-propos, à l’année 1981.

Ce sont comme des riffs, des flèches lancées le temps d’une parenthèse peu enchantée. Mais où perce un romancier en devenir, qui ronge son frein. Entre fulgurances et toquades (Ba­shung cité à satiété, Kafka, Céline…), Bayon, alors jeune homme las, perdu, tente d’avancer sans se fracasser. Il ­signale son état de santé moral et physique défaillant. Son détachement maladif. Le secours de la musique. La délivrance passagère dans le sexe. Ses goûts et ses dégoûts. Le rythme est syncopé. Les phrases en sont à peine. Ce sont des mots jetés par dessus bord. Pas la force ni l’envie de s’étendre. Cas rare d’une langue au bord de l’autodestruction. Belle mise en scène d’un aquoiboniste jouant avec le feu. — Jacques Morice

 

Ed. Pauvert, 296 p., 19 €.

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