Romans, nouvelles et récits

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Romans, nouvelles et récits

Il paraît lointain, et à tous points de vue étranger, le temps où un critique littéraire pouvait, de Stefan Zweig, écrire : « Aucun écrivain célèbre n’a connu, dans le monde entier, un tel oubli. Comme si on lui en voulait de l’avoir trop aimé… » C’était en 1981, année du centenaire de la naissance de l’auteur de Vingt-Quatre Heures de la vie d’une femme. S’il y eut bel et bien, dans la postérité de Zweig, une éclipse, la parenthèse d’amnésie est aujourd’hui close. Aimé, lu, célébré, Zweig l’est de nouveau — comme il le fut de son vivant. Dans sa remarquable préface à l’édition en Pléiade des romans et récits de l’écrivain viennois, Jean-Pierre Lefebvre souligne même « l’impressionnante et durable popularité planétaire » de l’oeuvre de Zweig.

Une oeuvre qui, tombée dans le domaine public le 1er janvier dernier, soixante-dix ans révolus après la mort de l’écrivain, en 1942, suscite une effervescence éditoriale peu commune, dont les principales manifestations sont la multiplication des traductions nouvelles de ses textes les plus connus (à savoir Vingt-Quatre Heures de la vie d’une femme, La Confusion des sentiments, Amok, Le Joueur d’échecs) et la parution concomitante de deux anthologies regroupant ses nouvelles et récits. L’une chez Robert Laffont, dans la collection Bouquins ; l’autre — dotée d’un appareil critique particulièrement pertinent — dans la Pléiade, qui, au corpus des fictions courtes formant l’essentiel de l’oeuvre, ajoute notamment La Pitié dangereuse, seul roman publié par Zweig de son vivant, et Le Monde d’hier, la passionnante et si poignante autobiographie qu’il écrivit au Brésil où, réfugié à partir de 1940, il se donna la mort en 1942 (1) .

Il était un Européen convaincu, un bourgeois cosmopolite, un esprit ouvert et curieux de tout, un authentique esthète et un humaniste — par son autobiographie, sa correspondance publiée, les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, l’homme Zweig nous est connu, familier et infiniment attachant. Mais quid de l’écrivain Zweig ? « Votre type est celui de l’observateur, de celui qui écoute et lutte de manière bienveillante et avec tendresse, afin d’avancer dans la compréhension de l’inquiétante immensité », lui écrivait Sigmund Freud, l’un des nombreux intellectuels de son temps avec qui l’écrivain entretenait une correspondance. La phrase égrène les arguments qui continuent de saisir le lecteur s’immergeant aujourd’hui dans l’univers de Zweig : observation attentive, bienveillance, volonté de comprendre guident le regard que porte l’écrivain sur les personnages qu’il enfante et fait avancer sur le devant de la scène. Cherchant, disait-il, à percevoir « l’incompréhensible qui gît en chaque homme », à « progresser dans le labyrinthe du coeur humain », traquant dans les gestes, les phrases ou les silences de chacun les symptômes de la fameuse « confusion des sentiments » qui est la condition humaine commune. Entrouvrant des portes sur l’inconscient, l’opaque matière qu’y tissent les névroses, les désirs refoulés, la honte. Examinant ce gouffre d’un oeil tout ensemble capable d’une expertise psychologique éclairante et d’une immense compassion.

L’énigme humaine était la passion première de cet « artiste-né » — ainsi son ami Romain Rolland le qualifiait-il —, qui considérait la fiction comme un « moyen d’exaltation de l’existence, un moyen de rendre plus clair et intelligible » le métier de vivre.

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