Reclaim

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Le terme a beau avoir été forgé par une Française (Françoise d’Eaubonne, en 1974), l’écoféminisme, soit la rencontre du féminisme et de l’écologie, reste à peu près inconnu en France, hors des milieux militants. Sans doute parce que ce mouvement s’est épanoui sur d’autres terres. Ainsi aux Etats-Unis, où il a accouché des plus vastes mobilisations antinucléaires de l’histoire américaine. Nées de la guerre du Vietnam, de la course à l’armement nucléaire et de la catastrophe de Three Mile Island, elles fleurirent au fil des années 1980 et furent le fait des femmes, en grande majorité. Des milliers d’Américaines qui, en dehors des organisations syndicales ou partisanes, décidèrent de bloquer des centrales, de camper devant des centres de recherche sur le nucléaire militaire ou encore d’organiser des marches, tel le spectaculaire ­encerclement du Pentagone par deux mille femmes, en novembre 1980. Ensemble, elles clamèrent leur inquiétude, leur peur pour la vie de cette planète et leur angoisse d’un avenir irradié, lors de mobilisations d’un genre nouveau — inventives, audacieuses, concrè­tes et, donc, écoféministes.

C’est cette histoire souterraine, occultée, que donne à voir la philosophe Emilie Hache dans la première anthologie jamais publiée en France de textes écoféministes, tous signés d’auteures anglo-saxonnes (Starhawk, Carolyn Merchant, Joanna Macy, Ynestra King…), à l’exception de l’Indienne Vandana Shiva. Des textes « hybrides, de style et de nature variés […] mélangeant théorie, poésie, thérapie, histoire, fiction, politique », résume Emilie Hache dans son introduction, à l’image des multiples facettes de l’activisme environnemental des femmes, de la mobilisation contre la pollution des habitantes des quartiers défavorisés de Los Angeles à l’expérimentation de communautés lesbiennes rurales en Oregon, ou à la lutte contre la déforestation en Inde. Autant d’écrits qui ont un objectif ­commun : déconstruire et transformer, concrètement, une culture qui entretient un rapport de destruction à l’égard de la nature et de haine envers les femmes. Loin des clichés essentialistes, il n’est pas question ici de revenir à une féminité éternelle, supposée plus « proche » de la nature. Mais de « lire ces textes comme des actes de ­guérison et d’émancipation (empowerment), des tentatives pragmatiques de réparation culturelle face à des siècles de dénigrement des femmes et de reconnexion à la terre/nature ». C’est, aussi, une autre manière de faire de la politique, qui résonne d’autant plus aujourd’hui, à l’heure des Women’s Marches de ces derniers mois… — Weronika Zarachowicz

 

Traduit de l’anglais par Emilie Notéris, éd. Cambourakis, 416 p., 24 €.

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