La catastrophe se produit dès la page 25 de ce roman trépidant qui en compte plus de six cents. Ce n’est donc pas trahir le suspense que de la raconter : rentrant chez lui de façon imprévue et trouvant son épouse, Jane, au lit avec Harry, George est sorti de ses gonds et a fracassé la lampe de chevet sur le crâne de la femme infidèle. Voilà pour la version simple des faits. En réalité, la situation est plus complexe : il se trouve que Harry n’est autre que le frère de George, lequel, quelques jours plus tôt, a décimé une famille dans un accident de voiture ; un traumatisme qui a conduit le chauffard, George donc, à passer un peu de temps dans un hôpital, moment choisi par Jane et Harry pour consommer l’adultère. Oui, tout cela s’est produit au cours des vingt-cinq premières pages de Puissions-nous être pardonnés, et donne une idée du rythme auquel la brillante Homes (Ce livre va vous sauver la vie, Le Sens de la famille) conduit ce savoureux roman, réaliste mais pas que…
C’est l’un des charmes de cette fiction épique que l’endroit précis où elle se situe : entre le réalisme (New York aujourd’hui, ses quartiers résidentiels bourgeois) et la farce débridée. Voici Harry, universitaire patient, solitaire, un peu terne, dont la seule passion semblait jusqu’alors être la rédaction d’une biographie de Nixon, à la tête d’une famille sacrément recomposée : les deux enfants de George et Jane désormais orphelins, la chienne, la chatte, bientôt un autre gamin perdu qui s’agrège à la tribu… La famille est le grand sujet de A.M. Homes (née en 1961) ; Puissions-nous être pardonnés est une nouvelle variation, inattendue, rocambolesque, fourmillant de détails, sur ce thème infini. A la fois caustique et tendre, Amy Homes y confirme qu’elle est bien l’un des grands talents de sa génération. — Nathalie Crom
May we be forgiven, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Yoann Gentric, éd. Actes Sud, 592 p., 24 €.
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