En octobre dernier, Annie Ernaux est retournée à Yvetot, la ville de Normandie où elle a grandi. La ville de son enfance. Acceptant pour la première fois d’y revenir non à titre privé, mais en tant qu’écrivain, conviée à prononcer une conférence. Laquelle allocution ne pouvait dès lors avoir pour objet que cette « ville mythique » qu’est devenue, pour elle, Yvetot, « lieu de ma mémoire la plus essentielle […], liée à ce que j’écris de façon consubstantielle ». Une ville nommée, dans les ouvrages où elle l’évoque, par sa simple inititiale : Y. – car, explique Annie Ernaux, « je ne peux pas écrire "Yvetot" parce que ce n’est pas un lieu géographique, celui noté sur les cartes, c’est le lieu d’origine sans nom, une matrice pleine de choses indéfinissables. » Le joli volume Retour à Yvetot rassemble la conférence qu’elle y a prononcée, un entretien et un cahier de photographies personnelles.
D’enfance, d’ancrage et d’arrachement, d’héritage, il est aussi question, quoique de tout autre façon, dans Géologies, un beau récit méditatif de Pierre Bergounioux, au coeur duquel est posée une interrogation sur « la contribution du sous-sol à la psychologie des habitants ». La question semble-t-elle étrange ? De fait, constate Bergounioux, « à de très rares exceptions près […], je n’ai jamais croisé d’adulte soucieux d’être plus précisément fixé sur la nature et, accessoirement, la genèse du support de nos vies ». Taraudé par cette question, Bergounioux le fut lorsque, inscrit à l’université, il quitta la Corrèze, où il était né et avait grandi. S’il s’en soucie encore, évoquant avec précision ce moment quatre décennies plus tard, c’est aussi parce que, sur l’interrogation géologique, une réflexion plus ample trouve à se cristalliser – il y est question des origines, du legs toujours précieux mais parfois lourd que chacun reçoit lorsqu’il naît en un lieu, un paysage, un milieu social, une époque.
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