Petit Pays

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Petit Pays

Ce sont d’abord des sensations, que le texte exalte discrètement, le goût du jus de mangue qui coule « sur le menton, les joues, les bras, les vêtements, les pieds », une lumière aveuglante sur le lac Tanganyika ou quelques notes d’une chanson. De ces émotions infimes surgit la mémoire d’un petit garçon, une enfance de métis (père français, mère rwandaise), tranquille et heureuse, au Burundi, au tournant des années 1990. Gabriel vit dans un quartier protégé à Bujumbura : une maison agréable, des domestiques, des copains en pagaille. Gaël Faye en exprime les images et les éclats, les odeurs et les sons avec une infinie délicatesse. « L’année de mes 8 ans, la guerre avait éclaté au Rwanda. C’était au tout début de mon CM2. » L’enfant la tient à distance, même s’il surprend parfois l’ombre qui plane sur les conversations des adultes. « Depuis le ventre calme de notre maison, tout cela paraissait irréel. » Le chaos pourtant finit par balayer l’insouciance, l’Histoire s’impose, la confusion politique au Burundi après l’assassinat du premier président élu démocratiquement, le génocide des Tutsi, au Rwanda voisin, en 1994. « La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de vous trouver un ennemi. » A la voix du petit garçon se mêle alors celle de l’homme qu’il est devenu, vingt ans plus tard. « Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore », écrit l’auteur. Jeune compositeur et interprète de rap, Gaël Faye s’impose ainsi d’emblée, magnifiquement, avec ce premier roman, largement autobiographique, qui vient de recevoir le prix Fnac et les honneurs de la première ­sélection du Goncourt. — Michel Abescat

 

Ed. Grasset, 224 p., 18 €.

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