Parabole du failli

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Parabole du failli

« Un simple porteur des mots des autres », voilà ce qu’était Pedro, mort en tombant du haut d’un immeuble parisien de douze étages. Restés en Haïti, les siens l’alpaguent dans ce livre coup-de-poing. Les siens, oui, c’est le nom qu’ils méritent, comme tous les habitants du pays, et même au-delà, les poètes morts, les ancêtres disparus… Car tout le monde appartenait à Pedro, comédien poète gorgé de ses semblables, de leurs paroles, de leurs expériences, de leurs désirs. La force de cette oraison funèbre vient de la foule qui crie à l’intérieur de chaque être entendu.

Toutes les vies sont dignes d’im­portance, semble dire Lyonel Trouil­lot, auteur majeur et rageur. Il nous ­raconte celle d’un défunt hors du commun, qui laisse les survivants amor­phes, parce que « la mort, c’est pas une chose contre laquelle tu peux entrer dans la résistance ». Mais il prend soin de s’arrêter aussi à chaque personnage secondaire, comme une possi­bilité de faire bifurquer le récit vers une autre intimité, une autre matière vivante. Une femme solide, qui retient une larme, « petite goutte de nudité derrière le masque du corps immense ». Une dame âgée à qui l’on doit donner le bras, pour qu’elle monte sans peine au sommet de la colline. Chaque être vibre, ne serait-ce qu’une seconde. Lyonel Trouillot ose nommer le liant qui soude tous ces inconnus : la poésie. Moderne et endurant, son livre est plein d’extraits de poèmes, qui apaisent les faims comme des casse-croûte de fortune, et permettent de continuer à marcher. « C’est vrai que la poésie ne nourrit pas son homme, et c’est preuve d’intelligence que de faire deux choses en même temps », confesse l’auteur à la fin de cette supplique mortuaire. De quoi donner envie de relire son dernier recueil poétique, Le Doux Parfum des temps à venir, somptueux chant d’adieu d’une mourante à sa fille. Chez Lyonel Trouillot, les morts parlent toujours beau. Et vivant.

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