Oeuvres 1. Dans ma chambre – Je sors ce soir – Plus fort que moi

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Oeuvres 1. Dans ma chambre – Je sors ce soir – Plus fort que moi

« Avec une sorte d’innocence superbe, il écrivait pour aujourd’hui. Il est mort, mais ses textes dansent », notait l’écrivain et universitaire Thomas Clerc dans Libération en octobre 2005, quelques jours après la mort de Guillaume Dustan, à l’âge de 39 ans. C’est au même Thomas Clerc que les éditions P.O.L ont confié la tâche de proposer aujourd’hui une édition critique de l’œuvre intégrale de Dustan, incitant à la relecture d’un ensemble de textes — au total, huit ouvrages, récits et essais, parus entre 1996 et 2005 — dont l’évaluation littéraire a sans doute largement pâti de la médiatisation spectaculaire de leur auteur. Car Guillaume Dustan était aussi un agent provocateur, doué pour la polémique et faisant généreusement usage de cette aptitude lors de ses interventions publiques — on se souvient notamment de sa défense du barebacking (relations sexuelles non protégées entre adultes consentants), qui lui avait valu, en 2001, la violente objection des associations de lutte contre le sida. Extrémistes, ses écrits le sont tout autant lorsqu’on s’y immerge aujourd’hui, et cette radicalité produit un effet saisissant, souvent littéralement bouleversant, la volonté provocatrice se trouvant infiniment nuancée, pour ne pas dire effacée par l’urgence, la franchise et l’âpreté de la voix qui se fait entendre.

Le premier volume de ses Œuvres — il y en aura trois — rassemble Dans ma chambre (1996), Je sors ce soir (1997) et Plus fort que moi (1998), trois récits autobiographiques dans lesquels Guillaume Dustan décrit essentiellement et crûment sa vie sexuelle — du moins est-ce le cas de Dans ma chambre et Plus fort que moi, Je sors ce soir racontant, un peu à la manière d’une dérive, la nuit en discothèques. Thomas Clerc résume ainsi les caractéristiques de ces livres inauguraux : « Description frontale du sexe, récit continu à la première personne du présent, culte des détails prosaïques, fréquence des rapports sexuels à risque, violence verbale et comportementale font penser à l’univers photographique d’une Nan Goldin ou d’un Robert Mapplethorpe dont la bande-son serait assurée par un mélange de trance et de house music. »

Dans son appareil critique remarquable — des notes, mais surtout une préface en forme d’essai et une introduction à chacun des ouvrages —, Thomas Clerc situe utilement Guillaume Dustan dans le paysage littéraire contemporain : écrivain du « je », conscient de cet héritage (Marguerite Duras, Renaud Camus, son aîné Hervé Guibert, malgré bien des différences) mais soucieux de le bousculer, de trouver des formes nouvelles pleinement inscrites dans son époque ; auteur ­­­« pédé » revendiquant l’homosexualité comme essentielle à la définition de son identité (Dustan prenant là ses marques vis-à-vis de Michel Foucault) et ayant fait de la mise en scène de son corps et de sa sexualité le moyen de cette affirmation ; intellectuel s’employant à contester ce qu’il diagnostiquait comme un néopuritanisme de la société française, mis en place par la « gauche réactionnaire » ­issue de Mai 68. Le relisant aujourd’hui, la tentation est grande de lui appliquer cette réflexion que lui inspirait Sade : « La vertu est ennuyeuse car fille de la peur de vivre, faire le mal vise non pas à faire le mal mais à se faire : se réaliser — poétique de l’action. »

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