Obsessions

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Obsessions

Si le roman n’intéresse pas Jean-Jacques Schuhl, il n’en va pas de même du romanesque. Lui-même est un homme et un écrivain romanesque, il ne cesse de le dire, de l’écrire lorsqu’il se met en scène dans un livre – et ce n’est pas parce qu’il le répète ainsi à l’envi que c’est faux. Non, le roman et le romanesque, ce n’est pas la même chose. Prenez n’importe lequel parmi les cinq ouvrages qui composent désormais sa parcimonieuse et si précieuse bibliographie (1), ou chacune des onze nouvelles qui, rassemblées, forment le merveilleux recueil Obsessions : d’intrigues, d’histoires, on ne trouve guère de traces, mais le romanesque, lui, est partout. Dans les situations et les atmosphères que l’écrivain installe. Dans les images qu’il convoque, les personnages et les objets (en l’occurrence ici, et au hasard, un chapeau neuf encore doté de l’étiquette qui en indique le prix, une cravache signée Hermès, une robe de chambre en velours de soie à motifs arabesques, genre Fortuny…), qu’il dispose dans l’espace comme autant de signaux ou d’emblèmes. Dans l’imaginaire homogène, tout ensemble ombreux, onirique et burlesque qu’il déploie.

Moins des histoires, donc, que des croquis, des songes, des fragments narratifs fugitifs, que relie un omniprésent narrateur se définissant comme un « écrivain fantôme, qui n’écrit presque pas, dont la présence est fantomatique ». Un homme attiré par l’obscurité, l’incertitude (« Comme tu me plairais, ô nuit ! sans ces étoiles / Dont la lumière parle un langage connu ! », lui chuchote Baudelaire à l’oreille), ballotté par les hasards, les rencontres. Maladroit, affirme-t-il, mais poétique serait en réalité le juste mot pour dire sa capacité à traverser les murs, à enjamber les océans et les décennies – à passer en un clin d’œil du Paris d’aujourd’hui au New York des années 1970, à enchaîner une déambulation parisienne et nocturne avec Jim Jarmusch, un five o’clock avec Andy Warhol, un café à Montparnasse avec Jean Eustache… Multiples épiphanies d’une haute et séduisante étran­geté, d’une fragile beauté, d’une délicate cocasserie.

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