Mort au tsar – Le gouverneur

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Mort au tsar – Le gouverneur

Selon Wikipédia, la bombe qui a tué le grand-duc Serguei Alexandrovitch de Russie, le 17 février 1905, n’a pas fait le détail : « Sa tête, la partie supérieure de sa poitrine, ses jambes, l’épaule gauche et le bras sont emportés et entièrement détruits […], certains doigts, dont l’un toujours orné de la bague qu’il portait habituellement, sont retrouvés quelques jours plus tard sur le toit d’un immeuble proche du lieu du drame… » Nury et Robin se dispensent de cet inventaire ­macabre, mais ce premier volet d’un diptyque annoncé y conduit inexorablement, tant le destin du grand-duc, par ailleurs gouverneur de Moscou et oncle du jeune tsar Nicolas II, semble scellé depuis le jour où, par une simple maladresse, depuis le balcon de son palais, il a fait tirer sur une foule de mani­festants en colère.

Simple maladresse ? Sans doute pas, mais c’est le piment d’ironie noire dont les auteurs saupoudrent librement la tragédie qui se trame. Celle d’un personnage paranoïaque et dépressif, tour à tour implacable et vulnérable, réticent à assumer sa fonction, homosexuel jouant le rôle du père de famille qu’il n’est pas, taraudé par un sentiment d’incompréhension puis de résignation alors que ses proches l’abandonnent à une mort certaine. Une fois de plus, le remarquable scénariste qu’est Fabien Nury (Il était une fois en France, La Mort de Staline) tire de l’Histoire des pépites de fiction, réinventant chaque situation avec un réalisme saisissant. Sous le trait ciselé de Thierry Robin, aussi loquace dans les scènes intimes que spectaculaire dans le mouvement des scènes d’action, c’est en fait le délitement amorcé du régime tsariste qui se profile. Nury et Robin ne pouvaient déjouer plus intelligemment, et avec plus de brio dramatique, les clichés ressassés de la BD dite historique. — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Dargaud 60 p., 13,99 €.

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