Monsieur Loriot

Ajouter un commentaire

Monsieur Loriot

Il porte un nom banal, mais le titre lui donne du Monsieur Loriot. Une manière de le distinguer d’entre les Loriot, mais aussi de le piquer un peu. Comme un papillon dans une boîte, que l’on s’apprête à observer à la manière d’un entomologiste. Car ce Monsieur Loriot est un Monsieur Tout-le-monde, mais pas n’importe lequel. L’auteur l’a choisi et s’amuse avec lui, le décrit par le menu et les manies. Et Dieu sait s’il en a. Monsieur Loriot classe, range, ordonne, organise sa vie dans les moindres détails, dans des enveloppes, des listes, des cases, sans craindre d’écraser les siens. Ou plutôt les siennes, une femme, trois filles, trois petites-filles. Quand il ne bricole pas, Monsieur Loriot regarde la télévision, Dallas en particulier. Et Santa Barbara, dont les premiers épisodes débarquent en France. Nous sommes en effet au ­milieu des années 1980, à Châteauroux. Tyran domestique, retraité de la SNCF, Monsieur Loriot n’aime pas qu’on sorte des rails, déteste les socialistes, « une ­tocade d’artistes, de cocos, de pédés », et ne peut imaginer que sa fille épouse un homme de « race africaine ».

Sous l’oeil pétillant de Clélia Anfray, Monsieur Loriot pourtant n’est pas si antipathique. Et c’est tout l’art de cette savoureuse comédie de montrer derrière le ridicule, et parfois l’odieux, un homme capable soudain de tout quitter pour partir en Amérique à la recherche d’un amour de jeunesse. Ce Loriot est un drôle d’oiseau, à la gamme de chants plus variée qu’il n’y paraît. Clélia Anfray, qui s’est inspirée de son grand-père, le croque avec gourmandise, la plume alerte, parfois vinaigrée, toujours subtile. Après Le Coursier de Valenciennes, premier roman remarqué, elle révèle un talent de satiriste qui rappelle Le Moral des ménages, d’Eric Reinhardt. On attend la suite avec impatience. — Michel Abescat

 

Ed. Gallimard 240 p., 17,50 €.

Commandez le livre Monsieur Loriot

Laisser une réponse