Monastère

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Monastère

« Trois quarts arabe, un quart polonais », et juif… « parfois » : c’est la définition de soi qui vient à Eduardo, le narrateur, confronté ce matin-là à l’humeur belliqueuse d’un chauffeur de taxi de Jérusalem. Eduardo aurait pu complexifier l’affaire en précisant au chauffeur atrabilaire que, comme son père, il est né, a grandi et vit au Guatemala… Et que s’il se trouve ce matin-là en Israël, c’est pour le mariage de sa soeur avec un juif orthodoxe originaire de Brooklyn — union qu’Eduardo, doté de plus d’ironie que de foi, est très loin d’approuver.

L’identité, la judéité et la généalogie travaillent l’imaginaire romanesque du talentueux Eduardo Halfon, auteur du très beau Saturne (éd. Meet, 2011), de La Pirouette (éd. Quai Voltaire, 2013), et dont ce Monastère n’est pas à lire comme une autobiographie, même si on peut reconnaître, chez Eduardo, le narrateur, certains traits personnels et de famille de Halfon, l’auteur. A commencer par cette généalogie que décline Eduardo dans la fiction : trois grands-parents arabes juifs, donc, venus d’Egypte, du Liban, de Syrie, et émigrés en Amérique latine ; et un grand-père polonais, arrêté à Lodz en 1939, alors qu’il avait 16 ans, puis déporté dans divers camps dont Auschwitz, parti en 1945 pour le Guatemala — affirmant par la suite à ses petits-enfants que les chiffres verts inscrits à l’encre indélébile sur son avant-bras étaient ceux de son numéro de téléphone et « qu’il l’avait fait tatouer là pour ne pas l’oublier ». Dans la troisième partie du roman, délaissant Israël et son atmosphère moite, Eduardo, le narrateur, s’en ira sur les traces de cet aïeul — dont Halfon, l’écrivain, semble avoir hérité le tempérament très Mitteleuropa, fait d’intelligence aiguë, de goût pour l’autodérision et d’intense mélancolie mêlés. — Na.C.

 

Monasterio, traduit de l’espagnol (Guatemala) par Albert Bensoussan Ed. Quai Voltaire 154 p., 16 €.

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