Mister Morgen

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Mister Morgen

Envie, orgueil, avarice, luxure, paresse… : les sept péchés capitaux, et quelques autres, figurent au menu de Mister Morgen. Mais, dans cet album du Croate Igor Hofbauer, il en est un qui domine tous les autres : la colère. Sourde, puissante, irrémédiable, elle imprègne ces courtes histoires jusqu’à la trame et n’épargne rien ni personne. Un équarrissage pour tous où les vestiges du titisme, les restes du bloc soviétique, des pays frères et de la défunte Yougoslavie servent de décor à des personnages qui inspirent autant l’effroi que la répulsion. Pas d’histoires proprement dites, dans ces fables pleines de bruit et de fureur, plutôt ­un grand théâtre où des stars déchues vivent en cage dans un zoo et où d’anonymes ouvriers prennent du plaisir à la chaîne sous l’oeil attentif de la police secrète. Des saynètes étranges, incongrues, fugaces, comme saisies du coin de l’oeil ou de la fenêtre d’un train, et qui laissent une sale impression, un malaise diffus. Beaucoup de monstres aussi dans ces pages, des hybrides dont l’humanité de façade cache des instincts carnassiers et dangereux.

L’auteur, paraît-il, puise l’essentiel de son inspiration dans sa vie quotidienne et son voisinage à Zagreb… Si Mister Morgen n’est à l’évidence pas une lecture pour amateurs de plaisirs simples et consensuels, sa puissance graphique vaut le détour. Chaque vignette est conçue comme un tableau, ou plutôt une gravure sur bois dont le vocabulaire et les couleurs — une trilogie noir, blanc et rouge — doivent autant à l’expressionnisme allemand qu’à la propagande soviétique. Un Jardin des délices postmoderne, où Jérôme Bosch pourrait s’entretenir avec David Lynch et qui nous renvoie à nos terreurs enfantines. — Stéphane Jarno

 

Ed. L’Association, 224 p., 25 €.

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