Mes cent démons !

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Mes cent démons !

L’enfance, pour Lynda Barry, ne fut sûrement pas cet âge heureux qu’on prétend, mais elle n’en fait pas un drame. Elle la raconte entre ironie légère et cruauté diffuse avant d’aborder une adolescence non moins empêtrée de complexes et de ratages : une vision de la fin de l’innocence décapée à l’autodérision. Ses souvenirs tiennent en dix-sept séquences, aux sujets aussi hétéroclites que la lutte contre les poux, l’art d’être (ou ne pas être) fille dans le regard des autres, ou l’incapacité à danser en public. En une dizaine de strips chaque fois, Lynda Barry boucle des micro-aventures racontées à la manière d’un journal où elle se donne rarement le beau rôle mais les endosse tous avec une drôle de luci­dité, souvent poignante. Et cela suffit à cet auteur américain célébré aux Etats-Unis, mais inconnu chez nous, pour provoquer un raz de marée de sensations d’une immédiate vérité. Prouesse d’une mémoire qui retrouve jusqu’aux tonalités les plus subtiles des plaisirs et doutes de l’enfance ? Ou brio d’une imagination qui supplée aux souvenirs trop flous ? L’auteur évoque un genre qu’il nomme « autobifictionalographie ». Soit l’art et la manière, graphiques ­aussi, de réinventer un petit théâtre ­intime, où l’écriture a la part belle, et le dessin, l’aplomb elliptique des croquis jetés dans l’urgence, faussement naïfs. Difficile de résister à ces Cent démons, qui ont un charme irrésistible. — J.-C.L.

 

One Hundred Demons, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fanny Soubiran Ed. Çà et Là 224 p., 24 €.

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