Matteo a perdu son emploi

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Matteo a perdu son emploi

On s’attend toujours au meilleur, au seuil d’un livre de Gonçalo M. Tavares, et avec Matteo a perdu son emploi l’écrivain portugais effectivement se surpasse, prenant une nouvelle fois le lecteur au dépourvu. Car ce roman est un stupéfiant jeu de piste, auquel se livrent non seulement les personnages, mais aussi la philosophie, la logique et l’absurde. Voici : Aaronson tourne autour d’un rond-point de sept heures à sept heures trente de façon obsessionnelle ; Ashley doit livrer un colis au numéro 217 d’une rue qui ne comporte que des numéros 217 ; Baumann s’obstine à reconditionner des ordures pour les réintroduire dans les magasins ; Cohen est affligé d’un tic particulièrement obscène ; un cardiaque se rend dans une maison close le coeur relié à une volumineuse batterie de camion ; un adolescent pose des autocollants « non » partout et finit par engendrer une modification de la législation…

Au total, une vingtaine de personnages se suivent ainsi, chacun relié au précédent par une situation, un mot. Dans ce livre inclassable, aucune action ne se déroule sans raison ni association d’idées, et ce qui paraît absurde contient toujours une très pertinente question philosophique. Et s’il arrive au lecteur de perdre pied, il est vite de nouveau happé par les géniales intuitions de l’écrivain philosophe, qui aime raconter, suspendre et jouer avec le sens toujours réversible des mots. Ce livre est un petit manuel de pensée iconoclaste qui déjoue la continuité du récit et s’amuse à contourner la vraisemblance des fonctions, celles des objets ou des corps. Tavares est un épistémologue qui aurait ravi Raymond Devos. — Gilles Heuré

 

Matteo perdeu o emprego, traduit du portugais par Dominique Nédellec, éd. Viviane Hamy, 202 p., 20 € (en librairie le 22 septembre).

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