Manifeste incertain 3

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Manifeste incertain 3

On ne sait pas précisément, l'auteur lui-même ne peut l'affirmer avec certitude, combien de volumes comptera ce Manifeste incertain, dont la publication a commencé il y a deux ans. C'est sans doute l'une des caractéristiques de l'écrivain et dessinateur Frédéric Pajak que de n'en avoir jamais terminé. Avec quoi ? Avec rien. Ni avec son autobiographie, dont ses ouvrages, rêveurs, ironiques et anxieux, offrent tous des fragments obsédants, flagrants ou discrets, écrits ou dessinés. Ni avec ces conversations dans lesquelles il est ­engagé, depuis longtemps, avec un certain nombre d'écrivains – citons Nietzsche, Pavese, Robert Walser, Apollinaire, Martin Luther, Joyce… –, qui lui sont comme des intercesseurs, des frères en humanité dont les vies et les œuvres constituent un support à sa méditation sur ce « métier de vivre » admirablement énoncé par Cesare Pavese.

Il y eut, dans l'itinéraire de Frédéric Pajak, un cycle constitué de L'Immense Solitude, Le Chagrin d'amour, Humour et Mélancolie, quatre ouvrages mélancoliques et bouleversants, parus entre 1999 et 2004, qu'il invitait à considérer comme les chapitres d'« un seul et même livre dédié à la solitude, à l'enfance, à l'amour ». Avec Manifeste incertain, un autre cycle s'est ouvert, et c'est une méditation sur l'Histoire et la modernité qu'il a engagée. Une réflexion – une inquiétude, presque une colère – portée par l'intuition que la toute-puissance actuelle du présent, l'effacement du passé et la peur de l'avenir, qui en sont les corollaires, sont ensemble les manifestations d'une « idéologie moderne » dont il faut se garder : « Il y a une guerre qui nous ronge sans jamais se déclarer : c'est la guerre du temps qui éteint le temps, la guerre menée par un présent vidé de son passé, émietté dans un futur improbable, radieux ou désenchanté », écrivait-il dans Manifeste incertain (1) .

Mais Pajak n'est pas un théoricien, un manipulateur d'idées abstraites. Qu'il dessine ou qu'il écrive, il est un poète, un rêveur, un voyant. Pour retracer les contours et les détails du XXe siècle, avant que tout ne s'efface, il convoque les destins croisés de deux personnages qui, aux antipodes l'un de l'autre, incarnent pourtant l'essence d'une époque : dans les années 1930, le saturnien Walter Benjamin (1892-1940) – pour le moment, à l'épicentre de l'ensemble de la série –, tentant de survivre à la persécution nazie avant que de baisser finalement les bras et de se donner la mort, et le poète Ezra Pound (1885-1972), auteur génial et furieux des Cantos qui, fourvoyé du côté du fascisme, n'en revint jamais. De la juxtaposition de ces deux figures tragiques surgit une vérité. Pajak en est convaincu, « c'est avec les yeux des autres que nous voyons le mieux ».

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