Mailman

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Mailman

Etudiant, Albert Lippincott voit jaillir dans son cerveau une idée perturbante, cousine de la théorie de la relativité : pour lui, tout ce qui est petit est le reflet de ce qui est grand, et vice versa. Adulte, devenu facteur à Nestor, une petite ville de l’Etat de New York, Albert – alias Mailman, désormais – reste inconsciemment hanté par ce jeu de miroirs, qui le pousse à accorder une importance folle aux détails sans intérêt et à sous-estimer la portée d’actes pourtant majeurs dans sa destinée.

Traduit en France pour la première fois, J. Robert Lennon (né en 1970) suit les tournées de cet inquiétant marginal, dans une Amérique où « les vieux pleins de fric rétrécissent, rapetissent, perdent même certains de leurs membres, tandis que leurs voitures grossissent ». La folie grandissante de son personnage lui inspire des passages savoureux de flegme désabusé. Logorrhéique et décapante, son écriture épouse les élucubrations d’un employé des postes au bout du rouleau, condamné par la course à la rentabilité d’une profession en voie de disparition, où le patron peut vous harceler pour vérifier que le courrier est bien rangé sous un hangar à l’abri de la neige alors qu’on est en plein été. Si les latrines servent de décor à tant de scènes du livre, c’est que Mailman est proche du déchet et le sait. « Quelque chose pourrit en vous, lui dit son psychiatre, quelque chose est mort, dont vous n’avez pas su vous débarrasser correctement, et si vous ne faites rien, cette chose risque de bientôt contaminer toute votre personne. »

Malgré ses escapades au Kazakh­stan, pour aider la population locale dans le besoin, malgré ses tentatives de rapprochement avec des parents au bord de la clochardisation, Mailman reste éternellement insignifiant, inefficace, pâle reflet de ce qu’il aurait pu être. Le tour de force de ce livre est de donner tant d’éclat à cette transparence inéluctable.

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