M pour Mabel

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M pour Mabel

Qu’est-ce que la sauvagerie et peut-on jamais l’apprivoiser ? Qu’apprenons-nous de nous-mêmes en nous risquant à son contact ? Que peut cacher, parfois, la passion de la nature et des animaux ? On découvre choses et choses, à la lecture du très mystérieux et fascinant troisième roman de l’Anglaise Helen Macdonald. Non seulement sur les rapaces, la patience, le dressage ; mais aussi sur soi, le deuil des êtres aimés et le deuil d’être aimé. M pour Mabel a reçu moult récompenses en Angleterre, en 2014, et l’admiration affichée de Barack Obama. Mérité ! M pour Mabel (du nom de l’autour que dresse Helen) est tout ensemble autobiographie romanesque — l’héroïne a le même nom et la même profession que l’auteure —, essai historique sur l’art de la fauconnerie depuis des siècles de par le monde, et ­récit initiatique sur la douloureuse, l’inaccessible conquête de paix intérieure. Tissé d’actions spectaculaires comme d’énigmes métaphysiques, d’aventures sportives en forêt comme de références historiques, philosophiques, le curieux ouvrage flirte avec la sauvagerie, l’animalité comme avec la descente aux enfers de soi, de la ­dépression, de la perte, de l’absence et du chagrin.

A 46 ans, brillante historienne et naturaliste de l’université de Cambridge, Helen Macdonald brasse avec panache le tout via l’histoire de son hallucinant dressage de ladite « Mabel », autour femelle de son état, soit d’une race de faucons particulièrement terrible à apprivoiser. Fascinée dès l’enfance par les rapaces, fille d’un reporter photographe adoré qui lui a appris la patience de regarder, de voir, jusqu’à se fondre avec l’environnement, l’éleveuse d’autours nous guide dans un étonnant périple intérieur. Au fil de chapitres admirablement cadencés, bruissant de couleurs et de sons, n’affirme-t-elle pas qu’on se sent plus humain une fois qu’on a fait l’expérience de ne pas être ? Evitant tous les pièges qui pourraient rapprocher la passion de la nature, du paysage, des traditions ancestrales de quelconques dangereux conservatismes politiques et sociaux, Helen Macdonald réussit un poignant récit-essai ­picaresque et mystique à la fois. On y apprend que l’on aime peut-être la ­nature dans l’espoir, fou, un jour, de s’aimer soi-même. — Fabienne Pascaud

 

H is for Hawk, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Marie-Anne de Béru, éd. Fleuve, 400 p., 19,90 €.

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