Love Song

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Love Song

Prenez un personnage, plongez-le en pleine bourrasque, ne lésinez pas, organisez autour de lui un dérèglement général – crise personnelle, amoureuse, familiale, mais aussi collective, morale, civilisationnelle –, n’hésitez pas devant l’extravagance ou l’invraisemblance des situations, et observez ce qui se passe. Voilà, à peu près résumé, le dispositif originel d’un roman de Philippe Djian. Appelons cela la ­méthode Djian. Laquelle, évidemment, n’est pas une recette, une ligne de conduite dont tout romancier pourrait s’emparer : elle ne vaut que pour lui, et lui seul. Car la mécanique, au fil des livres, tournerait à vide, lasserait, s’épuiserait d’elle-même, si Djian n’y mêlait son style parfaitement inimitable – l’ingrédient primordial, insaisissable et terriblement efficace qu’est sa voix, sa respiration tour à tour tendue ou mélancolique, son sens de l’ellipse faussement désinvolte qui dope le récit, son lexique tout ensemble sophistiqué et trivial.

Au centre de Love Song, il y a donc Daniel, 60 ans et des poussières, chanteur de renommée internationale – « en dehors de Leonard Cohen, je ne vois pas qui peut te faire de l’ombre », lui susurre son producteur. Daniel, donc, un beau jour confronté au retour de Rachel, la femme qu’il aime et qui l’avait quitté huit mois plus tôt, de ­retour au domicile conjugal alors qu’elle est enceinte d’un enfant dont Daniel n’est pas le père. Rachel, c’est le plus gros des nuages qui encombrent le ciel de Daniel, mais ce n’est pas le seul. Il y a aussi Georges, son producteur, qui ne le cajole de temps à autre que pour mieux lui reprocher le caractère bien trop lugubre de ses chansons. Il y a encore Amanda, sa maîtresse, une sexagénaire hautement toxicomane, Walter, son meilleur ami et frère de Rachel, une chienne fugueuse baptisée Georgia, et bientôt Dona, l’enfant de Rachel…

On s’épuiserait à tenter de dérouler plus précisément, et surtout de façon cohérente, le fil de cette histoire, dont les virages abrupts et les rebondissements ne masquent jamais les accents profondément mélancoliques. Car c’est sur le temps, le délitement cruel qu’il impose aux aspirations les plus pures – celles qui animent les individus, mais aussi les générations – que médite Love Song. A la façon Djian : inflammable, très noire, secrètement déchirante.

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