Liz T. Autobiographie

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Liz T. Autobiographie

Audace, c’est le mot qui vient à l’esprit. Il en faut, pour s’emparer ainsi d’une existence, s’immiscer dans des pensées qui ne sont pas les siennes, s’éterniser au sein d’un corps qu’on n’a jamais habité, au point d’appeler « autobiographie » cette incursion en intimité inconnue. Quand, en plus, la terre conquise est une actrice hollywoodienne aussi complète que Liz Taylor, qu’on a vue courir après Lassie, dévorer Montgomery Clift des yeux, avec cette célèbre double implantation de cils qui la dispensait de mascara, puis défendre l’Etat d’Israël comme la cause palestinienne, se battre contre le sida et la toxicomanie, le toupet suscite la méfiance : comment trouver une place à l’intérieur d’un être plein comme un oeuf ? En se frayant un chemin par l’écriture. L’auteur qui se permet ce voyage vampirique et fascinant est aussi traducteur, sans doute a-t-il appris à se couler dans le cerveau d’autrui en traduisant des romans de l’italien. Comme son modèle, qui a dû se glisser dans la peau de personnages de cinéma dès l’enfance, sans pour autant renoncer à sa personnalité tempétueuse et engagée, Jean-Paul Manganaro colonise la psyché de Liz Taylor sans pour autant s’effacer derrière elle. C’est que l’écrivain en est vraiment un.

Qui cherche une biographie à l’américaine, fourmillante de détails, secouée par les trépidations d’une vie mouvementée, doit passer son chemin. D’une douceur planante, ce livre est une descente expérimentale dans les abysses d’une personnalité complexe, tapageuse et blessée. Des phrases longues et minutieuses, enveloppantes, obsessionnelles aussi, caressent le souvenir de l’actrice, comme le pinceau d’un archéologue qui ne veut pas abîmer sa découverte. En filigrane apparaissent les tourments d’une enfance gâchée par les rêves de gloire d’une mère abusive, puis par l’alcool, qui ­posa « un velours différent sur son regard ». En filigrane seulement. Rêverie de cinéphile, divagation assumée, ce livre va plus loin. Il sonde les émanations des images, tente d’analyser la transformation des ondes pendant leur voyage depuis l’écran de cinéma jusqu’au regard du spectateur. Quelles confidences nous font les acteurs qui s’immolent à l’écran ? Comment nos fantasmes s’emparent-ils de leurs carcasses ? Jean-Paul Manganaro cherche des réponses dans les plis d’une combinaison en soie, sur la ligne de crête d’un profil, dans les taches d’un oeil au bleu indéfinissable. Et donne envie de revoir les films de Liz T., « listée », épluchée, détaillée. Révélée. — Marine Landrot

 

Ed. P.O.L, 208 p., 13 €.

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