L’Invité du soir

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L’Invité du soir

Ils ne sont pas si nombreux, les écrivains qui s’intéressent aux désarrois des vieilles femmes esseulées, à leur mémoire en friche, à leur coeur désabusé. C’est pourtant une riche veuve de 75 ans, Ruth Field, que s’est choisie pour héroïne de son premier roman la jeune Australienne Fiona McFarlane. Dans sa villa en bord de mer, celle qui pourrait être un mélancolique personnage de Virginia Woolf ou Nathalie Sarraute commence à entendre un tigre rôder le soir près d’elle… Débarque tout à coup une aide ménagère soi-disant envoyée par les services ­sociaux. Frida Young, c’est son nom, s’installe progressivement chez Ruth, se rend indispensable ; puis se met à changer d’humeur aussi vite que de coiffure ou de couleur de cheveux. Roman fantastique ? Thriller ? Si l’on soupçonne très tôt les projets de Frida, les chemins qui y conduisent, toujours surprenants, sèment l’effroi. D’autant que sur le poids de la solitude, sur la vieillesse qui brise les masques, la maladie mentale qui ronge et la fatigue d’être et de se forcer, Fiona McFarlane sait déjà bien des ­secrets. Elle imagine des situations limites, qu’elles soient cruelles ou tendres, elle ose des scènes dérangeantes. Comme les retrouvailles sexuellement accomplies — mais cinquante-cinq ans trop tard — de Ruth avec son premier amour de jeunesse ; et par-delà la traditionnelle relation maître-domestique, une détresse commune des deux femmes, une complicité sensuelle dans l’abandon, un amour peut-être… Alors que se balade dans la tête de Ruth une bête de jungle aussi fantasmée que chez Henry James, Fiona McFarlane décrit à travers son intrigue cousue de fil blanc l’isolement qui rend fou, la retraite qui assassine. Terrible, implacable, avec le sens des phrases qui tuent. Plus sûrement que les armes. — Fabienne Pascaud

 

The Night Guest, traduit de l’anglais (Australie) par Carine Chichereau Ed. de l’Olivier 269 p., 22,50 €.

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