Ligne & Fils

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Ligne & Fils

La mémoire est-elle soluble dans l’eau ? Emmanuelle Pagano répond non, et s’immerge dans le passé post-traumatique d’une mauvaise mère ardéchoise, qui a deux rivières pour artères : la Baume, étale et calme, et la Ligne, sinueuse et agitée. Entre son arrière-grand-père, enfant trouvé, de­venu patron d’une filature de coton, et son fils de 16 ans, enfant perdu, hospitalisé pour un coma éthylique, l’héroïne n’a jamais trouvé sa place. A la naissance de son enfant, elle n’a pas su le nourrir et fut pointée du doigt pour maltraitance de nourrisson. Cette femme ne sait prendre soin de personne, pas même d’elle. Photographe pour oublier que « les images dans la tête sont les pires photos de famille qu’on puisse prendre et regarder », elle rappelle la mère adolescente du Tiroir à cheveux, ce livre tout en éboulements maternels, qu’Emmanuelle Pagano écrivit voilà dix ans. Sensible à la porosité et à la minéralité des êtres, la romancière a toujours réussi à dire la colère, l’humiliation, la honte, sans cri, sans rage. Comme son personnage qui prend des « stocks de silence dans la cuisine » avant le lever du jour, elle a l’art d’infiltrer son texte de gouttes de silence, qui lui donnent relief et équilibre. Trilogie des rives, I : le sous-titre de ce roman en annonce deux autres. Se prépare donc une suite romanesque « sur la relation de l’eau et de l’homme, du naturel et du bâti, la violence des flux et celle des rives qui les encerclent ». Joie d’attendre qu’Emmanuelle Pagano déroule à nouveau son écriture abrupte, chaotique, et pourtant si limpide. — Marine Landrot

 

Ed. P.O.L 206 p., 15 €.

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