L’Homme de la montagne

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L’Homme de la montagne

L’homme de la montagne, debout dans le titre, est une bête traqueuse et traquée, un étrangleur de jeunes filles qui joue avec les nerfs de toute la Californie, et essaime ses victimes nues dans la ­nature, les chevilles attachées par des lacets, les yeux scotchés par du ruban adhésif. A moins que l’homme de la montagne ne soit l’inspecteur Toricelli, chargé de l’enquête, un spécialiste des pâtes à la marinara, dieu vivant aux cheveux de geai, sanglé dans son blouson de cuir même au plus chaud de l’été 1979… A moins que l’homme de la montagne ne soit le mâle idéal auquel ­rêvent ces deux donzelles de 11 et 13 ans, Patty et Rachel, terrifiées à l’idée de périr entre les mains du tueur…

Ce sont elles, les filles de la montagne, les véritables héroïnes de ce livre plein d’hormones de croissance. Depuis le Frankie Addams de Carson McCullers (dont Claude Miller s’inspira pour L’Effrontée), on n’avait pas lu plus bel ode à l’adolescence féminine. Joyce Maynard restitue à merveille la peur et le sang-froid qui crépitent à contre-temps dans les jeunes cervelles, et mènent à de dangereux comportements. Jalousie pour des semblables à qui tout semble réussir, observation obsessionnelle et gênée des changements du corps, créativité de l’imagination tour à tour mièvre et morbide, ambivalence des sentiments pour des parents qui ­révèlent leurs faiblesses : rien des tourments et espoirs de cet âge incertain ne lui échappe. Joyce Maynard a su ériger un fait divers en fantasmagorie ensorcelante, sous l’emprise de la nature, sauvage et désertique.

Roman d’apprentissage, ce polar angoissant et enchanteur est suspendu à une multiplicité de moments magnétiques. Un père qui arrache brutalement un cheveu du crâne de sa fille pour le transformer en araignée entre ses doigts. Deux filles qui retiennent leur souffle et enfilent pour la première fois les robes bleu turquoise, imprimées de chatons jaunes, que leur a offertes leur belle-mère. Un foetus de daim qui gît, glabre et bleuté, sur les flancs de la montagne. Autant de trouvailles qui font de ce roman le plus abouti de Joyce Maynard à ce jour, après Long Week-end et Les Filles de l’ouragan, où transparaissait déjà son art de sonder les êtres en mutation. — Marine Landrot

 

After her, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Adelstain Ed. Philippe Rey 320 p., 20 €.

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