L’Esprit de l’ivresse

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L’Esprit de l’ivresse

Proust et Balzac sont cités en exergue de ce premier roman. Pourtant, c’est auprès de Victor Hugo qu’il faudrait chercher une paternité. Loïc Merle a besoin d’ampleur pour parler de révolte, et de lyrisme afin d’évoquer le désenchantement d’une poignée d’hommes et de femmes convaincus puis déçus. Voici M. Chalaoui regagnant sa cité, Les Iris, dans cette banlieue impénétrable et délaissée qui séduit tant les journalistes du JT de 20 heures. L’homme avance péniblement ; il est harassé, titube. Une odeur de menthe monte de son cabas et, autour de lui, les bandes d’ados s’écartent presque respectueusement. Mais, plus loin, les policiers n’en ont jamais fini de guetter, de contrôler, de bousculer, pour croire encore à leur autorité. Il suffit d’un incident pour embraser le quartier, la ville, le pays, et M. Chalaoui en sera tour à tour la victime et le prétexte.

Loïc Merle ne cherche pas à décrire une révolution, un incendie, le basculement des banlieues dont les hurlements s’amplifient d’heure en heure. Il n’est pas un reporter qui fait son travail, il choisit d’approcher quelques figures et de les accompagner. M. Chalaoui, Clara S. et le président Henri Dumont sont les trois personnages-ressorts de cette longue nuit où tout semble possible — même si tout sombrera quelques heures plus tard. Ambitieux, ce roman parle de grands rêves et de petits pas comptés. Et ce titre, L’Esprit de l’ivresse, représente ce qui reste dans nos esprits lorsqu’on ne parvient plus à croire aux lendemains : un souvenir, un vague étourdissement. Qu’il parle à la première personne ou laisse un narrateur prendre position, Loïc Merle (né en 1978) tient son écriture au plus haut : mesurée et douce comme les pas de M. Chalaoui, chaotique et exaltée dans le cas de Clara, grimaçante de souffrances cachées avec le président Dumont. Ce très beau roman est un hommage aux voix qui s’élèvent et hurlent quand elles ne veulent plus implorer. — Christine Ferniot

 

Ed. Actes Sud 290 p., 21,50 €.

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