Les Vivantes

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Les Vivantes

« Je ne crois pas à l’incommunicable », disait Charlotte Delbo, de retour d’Auschwitz. Médecin et anthropologue, fondateur et responsable à Paris d’un dispositif de consultations psychiatriques spécialisées pour réfugiés cambodgiens, Richard Rechtman a écrit Les Vivantes animé de la même conviction : des survivants au génocide perpétré par les Khmers rouges à l’encontre du peuple cambodgien, il est impensable de ne pas se mettre à l’écoute. La femme qui prend la parole, dans le roman Les Vivantes, fait partie de ceux-là, qui ont traversé les ténèbres et dont les mots s’emploient à raconter ce crime sidérant : la faim, la soif, les sévices. L’assassinat de masse et la déshumanisation systématique de l’individu.

Ce sont sans doute les compétences psychiatriques de Richard Rechtman, et sa pratique clinique auprès des réfugiés, qui lui permettent d’accéder aux ressorts intimes de la psyché de la narratrice. Laquelle s’emploie moins à décrire la tragédie en elle-même qu’à exposer la façon dont elle l’affecte en profondeur : l’interruption de la conscience du cours du temps (« C’est cela, le pire, lorsque le temps se suspend sans interrompre la vie. Pas l’existence, non, juste la vie. ») ; la déchirure entre l’esprit et le corps de la victime (« Ils [les Khmers rouges] ont méthodiquement décousu l’unité des Etres, pour en faire des non-Etres qu’ils pourraient éliminer sans le moindre remords ») ; l’abolition de la séparation entre les vivants et les morts (lorsqu’un « imperceptible détachement du monde des vivants, du monde tout simplement, ou des vivants plus justement, absorbe la substance même de ta conscience d’être encore humain »). Juste, limpide, sans effet, cette voix de femme évoque ces mots de Rithy Panh, dans L’Elimination (éd. Grasset, 2012) : « Les morts sont-ils là ?/Oui./Parfois il me semble qu’on a marché sur eux./Alors je m’écarte. »

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