Les vieux ne pleurent jamais

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Les vieux ne pleurent jamais

A 70 ans, Judith Hogen pense qu’elle n’a plus de rôle à jouer. Son mari est mort, elle est une comédienne retraitée qui ne laissera pas de souvenir impérissable à la scène new-yorkaise. Seule une voisine de son âge, Janet, trouve grâce à ses yeux de femme cloîtrée. Janet est drôle, opiniâtre et accepte d’être malmenée. Elle parvient même à entraîner Judith dans un voyage organisé qui ressemblera à un « séjour sous vide ». Judith pourrait s’enfoncer dans la vieillesse sans retour, vers une mort sans douleur. Mais elle refuse encore de pénétrer dans ce monde passif, d’être considérée avec méfiance ou mépris par la société, qui juge les vieux comme des immigrés, des êtres à part. Avec Judith pour guide, Céline Curiol cherche l’empreinte des lieux, les fantômes de la mémoire qui soudain réapparaissent, en donnant le vertige. Avec une intelligence aiguë et armée d’une écriture sensuelle, elle glisse de la comédie de moeurs à une gravité presque tragique. Un balancement à l’image de Judith, son personnage, dans le même temps femme somnolente qui ne veut plus être réveillée et fille ardente qui n’a rien oublié de ses passions, ses erreurs et ses audaces. Si les miroirs ne lui pardonnent rien, elle se sent encore prête à batailler pour garder le dos droit. La romancière la provoque en la plaçant dans des situations ridicules, des hôtels minables, en lui donnant des apitoiements de petite fille gâtée. Avant de l’extirper de sa médiocrité, pour la placer face à ses regrets, à des passions et des ressentiments qu’elle a mis en sourdine.

Il faut régler ses comptes, la somme la narratrice, et surtout faire des choix. Bien loin des romans qui ricanent devant le troisième âge, ou feignent de s’en extasier, celui-ci, signé Céline Curiol, accompagne une authentique héroïne dans sa dérive, ses angoisses et ses instants de renaissance. Elle ne délivre pas une ordonnance contre la fuite du temps, préférant citer García Márquez et donner à Judith le Voyage au bout de la nuit comme lecture de chevet… — Christine Ferniot

 

Ed. Actes Sud, 330 p., 21 €.

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