Les Vies multiples d’Amory Clay

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Les Vies multiples d’Amory Clay

On connaît les reportages photographiques de Margaret Bourke-White ou Lee Miller. Leurs photos qui saisissent des visages, capturent des instants, immortalisent des lieux. Parfois prises au hasard ou sous une impulsion soudaine, cadrées ou volées, elles témoignent d’une époque, surprennent une expression et composent une oeuvre photographique. Toutes ces femmes photographes sont les complices de ce roman de William Boyd, et leurs itinéraires sont comme rassemblés sur une planche-contact dont l’auteur a extrait ce dont il avait besoin pour imaginer Amory Clay, femme photographe, fictive parce qu’inventée, concrète parce que produite par des vies réelles. Une photographe donc, dont William Boyd tresse « les vies multiples », depuis le plus jeune âge d’une gamine anglaise née en 1908, jusqu’à la femme qui disparaît en 1978.

Le xxe siècle défile et Amory Clay veut le vivre intensément. Avec des amants, éventuellement des amis sûrs, mais, surtout, avec ces appareils aux noms magiques : Box Brownie, 2A Kodak Junior à soufflet, Butcher Klimax, Ensignette, Voigtländer, Zeiss Contax, Leica. Elle ne vit que pour la photo, sa passion depuis toute petite : « Je crois avoir été consciente, même à l’époque, confie-t-elle dans son journal, que seule la photographie peut réussir ce tour de magie avec tant d’assurance et de facilité : arrêter le temps, capturer cette milliseconde de notre existence et nous permettre de vivre éternellement. » La photo à tout prix, même peu payée, pour toutes les publications qui lui permettent d’exercer. Amory fait ses armes dans les portraits de famille ou les fêtes champêtres, rien qui ne la passionne tant elle se sent aspirée par la vraie vie à photographier, mais tout est bon à prendre pour payer un loyer. Peu à peu, elle prend son envol, fait des reportages dans le monde interlope de Berlin des années 1930, se fait tabasser lors d’un défilé fasciste à Londres et part en Europe comme reporter de guerre.

Elle suivra quelques mois les troupes américaines et, vingt ans plus tard, se sentira obligée d’aller au Vietnam pour être là où ça se passe. Destin d’une femme dans le siècle, Les Vies multiples d’Amory Clay dose habilement les lieux, les ambiances et les rebondissements intimes et professionnels qui rythment l’existence d’un personnage. Comme cette femme qu’il suit sur plus de cinq cents pages, le fin Britannique William Boyd connaît l’art du développement romanesque et tire un magnifique portrait de femme. — Gilles Heuré

 

The Many Lives of Amory Clay, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Isabelle Perrin, éd. du Seuil, 528 p., 22,50 €.

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