Nour a quitté le village familial, près d’Alger, pour rejoindre Hassan, son mari, à Louveplaine, en Seine-Saint-Denis. Trop de mois sans nouvelles de lui ont transformé l’épouse docile en femme déterminée. L’avion, le RER, le quinzième étage de la tour Triolet, tout ça pour arriver dans un appartement vide… Longtemps, Nour est restée prostrée dans le noir, puis elle a fait connaissance avec les autres. Ceux qui habitent les barres alentour, grimpent des escaliers infinis quand les ascenseurs sont en panne, dealent un peu, ou beaucoup, travaillent de nuit à l’hôpital ou fréquentent le lycée un jour sur deux. Hassan n’est pas là, mais son image se dessine peu à peu : trafiquant en tous genres, chef de bande un peu trop indépendant.
Louveplaine est un monde déroutant et poétique. On y croise des gamins en jogging fluo, caressant avec amour leurs chiens dressés à tuer. Plus loin, derrière les tours et l’autoroute, il y a la forêt aux parfums de terre humide — certains y ont vu un cerf entre les arbres. Cloé Korman (Les Hommes-couleurs, prix du Livre Inter 2010) a entendu les turbulences et les contradictions de la cité, les langues et les cris. Elle en a fait un beau roman charnel, bruissant. Elle n’a surtout pas voulu repeindre la banlieue aux couleurs des infos du soir, mais s’est approchée des habitants pour entendre leurs voix et retranscrire leurs histoires. Des caves de la tour Aragon à moitié détruite s’élèvent les hurlements des chiens prêts au combat. Du côté de l’hôpital, Soufia a terminé son service et passera voir Nour avant de rentrer chez elle. Sonny deale des médicaments pour s’Commander de nouvelles fringues. Les flics rôdent en voiture banalisée. La nuit est tombée ; demain, il y a contrôle de maths, et Sonny est plutôt bon… — Christine Ferniot
Ed. du Seuil 370 p., 21 €.
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