Rien n’est plus fragile que les réputations. Il suffit d’un coup de crayon qui élargit les oreilles, d’une composition lourdement allusive, d’une légende un peu sarcastique pour que la victime d’une caricature en soit, sinon meurtrie, du moins ennoblie en des termes qu’elle n’aurait pas souhaités… Mallarino, célèbre caricaturiste dans la presse quotidienne colombienne, est conscient de son pouvoir : il est adulé ou détesté, mais sa réputation à lui est celle d’un homme qui ose dessiner ce que beaucoup pensent tout bas.
Talentueux, intransigeant, ne supportant aucune forme de censure, il se méfie des mondanités et vit, séparé de sa femme, dans les collines de Bogotá. Le matin, il lit la presse nationale et internationale et envoie ensuite son dessin à l’encre de Chine, qui tonnera plus fort que les mots d’un éditorial. Sa seule idole est un ancien caricaturiste, Ricardo Rendon, qui s’est suicidé de nombreuses années auparavant sans que l’on en connaisse les raisons. Sa devise était qu’une caricature était comme « un aiguillon enrobé de miel ». Parfaite définition qui oublie cependant la force du passé toujours à l’affût. Mallarino, confronté un beau jour à une femme qui veut se souvenir d’un drame, repoussé par son ancienne femme dont les mots résonnent comme une mauvaise conscience, devra réfléchir à son métier, à sa vie et à la portée de sa propre réputation. Juan Gabriel Vásquez en fait le personnage central d’un très beau roman sur le pouvoir des médias et ses conséquences imprévisibles.
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